Surmenage, crunch, burn-out : une fatalité pour les développeurs ?
Le 26 octobre dernier, le jeu tant attendu de Rockstar, Red Dead Redemption 2, voyait le jour. Le succès est immédiat, mais un aspect de la communication du studio vient quelque peu entacher l’effervescence générale. Dan Houser, co-fondateur de Rockstar, annonçait fièrement que certains employés du studio cumulaient 100 heures de travail par semaine. Le jeu fini comprendrait ainsi « 300 000 animations, 500 000 lignes de dialogue et de nombreuses lignes de code » selon ses dires. Il semblerait donc pour le dirigeant que l’aménagement douteux des heures de travail de ses salariés soit un argument marketing imparable pour vanter la qualité de son produit.
Dans un contexte où le surmenage et le burn-out semblent être monnaies courantes, cet événement soulève ainsi plusieurs interrogations : les développeurs des autres secteurs sont-ils eux aussi soumis régulièrement à ces pratiques ? Quelles raisons mènent ces développeurs à cumuler 50 heures de travail et plus par semaine ? Nous avons interrogé quelques professionnels pour en savoir plus.
Le crunch, un mal réservé uniquement aux développeurs de jeux vidéo ?
Dans le secteur du jeu vidéo, la pratique du « crunch » a très longtemps été perçue comme quelque chose de « normal », ou tout du moins reconnu comme partie intégrante de la production d’un jeu vidéo. Cette pratique consiste à travailler pendant un nombre d’heures extrêmement élevé, durant des semaines voire des mois, afin de terminer le projet et sortir le jeu vidéo dans les temps. Aujourd’hui, alors que le burn-out est une maladie clairement identifiée et que les développeurs ont de plus en plus leur mot à dire sur leur conditions de travail, cette pratique est largement décriée.
Quand nous avons cherché à savoir si le crunch était une tendance très spécifique au secteur des jeux vidéo, il s’est avéré que ce n’était pas le cas. « Oui, malheureusement le crunch est quelque chose de courant, et pas uniquement dans le jeu vidéo, précise Thomas, développeur. Dans mon emploi précédent, c’était une mauvaise gestion des ressources qui provoquait régulièrement un besoin de crunch. »
Pierrick, développeur également, se souvient d’une période de crunch : « Cela m’est arrivé une seule fois. J’ai travaillé 50h par semaine (c’était la limite légale je crois) pendant 6 mois. Une nouvelle directive européenne, annoncée déjà depuis plusieurs années, entrait en vigueur en décembre. La direction a donc estimé qu’il était indispensable qu’un logiciel soit créé pour répondre aux besoins. Il est très vite apparu que le temps restant ne suffirait pas du tout, mais malgré mes protestations, rien n’a changé. Mieux, le planning global du projet a été mis en place avant même l’étude initiale des besoins. Le cahier des charges a été rédigé en 2 mois, à coups de 8h de réunion par jour. Nos responsables respectifs s’inquiétaient de la durée allouée à la finalisation du document, alors que cela ne faisait que refléter la complexité du projet. Au final, comme cela avait été accepté plus tôt, seul 1/5 du projet a été livré à la date prévue. »
Le surmenage entraîne des erreurs qui peuvent coûter cher à l’entreprise
Selon les développeurs que nous avons interrogés, une bonne partie des périodes de crunch sont dûes à des méthodes de management inefficaces. Une étude menée par Stripe et Harris Poll a tendance à corroborer cet état de fait. Le manque à gagner des entreprises s’élèverait à 300 milliards de dollars, simplement parce qu’elles n’exploitent pas les bonnes compétences de leurs talents, mais aussi parce qu’elles subissent la pénurie des développeurs de plein fouet. « C’est un énorme problème, confie Pierrick, mais la situation est particulièrement complexe aujourd’hui ». Nous assistons en effet à une conjoncture où la digitalisation des services et des entreprises est une problématique centrale.
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Le chantier est énorme, et la main d’oeuvre manquante. Ajouté à cela une mauvaise compréhension du métier de développeur, de son rôle et de ses capacités vis-à-vis des requis techniques, cela peut résulter à des erreurs de gestions aux incidences réelles sur une entreprises, et la nécessité à quelques occasions de cumuler beaucoup d’heures de travail pour mener un projet mal estimé.
« Si, à la base, un projet est défini clairement, qu’il est chiffré correctement, que le budget est accepté, que le planning est fait efficacement, et que la date de livraison est posée en bonne intelligence, il n’y a de raisons de faire une période de crunch » pointe Pierrick.
Quelles sont les causes du burn-out chez les développeurs ?
Mais les sources du burn-out chez les développeurs sont multiples, et elles ne sont pas seulement liées à des questions managériales ou organisationnelles. Chez les développeurs, les premiers signes pouvant mener à un burn-out peuvent se manifester de plusieurs manières :
- La routine : on n’y coupe pas, on la subit tous, et chez les développeurs elle se caractérise bien souvent par un environnement de travail morne. Si vous développez des logiciels, il est recommandé de consacrer 20% de son temps à explorer d’autres technologies. Vous pouvez par exemple tester de nouvelles bibliothèques, apprendre quelque chose que vous ne maitrisez pas, tel que la programmation fonctionnelle etc.
- La solitude : il est également recommandé pour les développeurs de venir à la rencontre de confrères, participer à des conférences, etc. La veille c’est bien, mais la faire en se sociabilisant est d’autant plus efficace !
- La répétition : au même titre que la routine, mieux vaut automatiser dès que possible des tâches lourdes ou rébarbatives. Si vous commencez à ressentir qu’une grande partie de votre temps est consacré à des tâches insatisfaisantes ou ennuyeuses, reconsidérez peut-être votre quotidien. Faites également en sorte de prioriser les tâches les plus importantes quand votre énergie est au plus haut.
- L’absence de limites : il faut parvenir à séparer vie professionnelle et vie personnelle, surtout dans un métier où le télétravail se démocratise et où les limites entre le bureau et la maison deviennent floues. Décrétez des heures auxquelles vous ne touchez plus à vos outils de travail, ne regardez plus vos mails et ne répondez plus aux appels pros. Surtout, aménagez-vous de vraies heures de sommeil.
D’autres causes, cette fois-ci privées, peuvent aussi participer à faire de votre travail une épreuve difficile à passer. La clé pour les développeurs ? S’offrir du temps pour soi (et ne pas en culpabiliser) : « Je ne pense pas du tout que le burn-out ou des conditions de travail dégradées soient une fatalité, explique François. On a la chance d’être dans une industrie en pénurie de main d’œuvre, on peut imposer nos conditions. Je finis tous les soirs à 18h pour aller chercher ma fille à la crèche, je joue à la console avec mes collègues. Quand je me concentre je suis efficace, mais je n’hésite pas à prendre des pauses tout aussi efficaces pour avoir un bon équilibre ! »
En un mot comme en cent : prenez soin de vous !
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