Comment les startups d’État transforment l’administration française
Innover n’est pas aisé. Face aux salariés qui veulent modifier leurs process, les entreprises se protègent. Les vieilles recettes ont toujours fonctionné, il serait plus prudent de les conserver. Nous évoquons régulièrement ces obstacles, rencontrés par ceux qui mènent des projets dans le but de transformer une structure. Dans le secteur public, ces freins sont encore plus visibles. L’État fonctionne, et craint systématiquement ceux qui s’attaquent à son fonctionnement.
Réduire les frictions entre l’État et les citoyens
Pourtant, les agents publics voient les dysfonctionnements au quotidien. Certains ont des idées pour améliorer le service rendu aux citoyens. Pour les aider à développer leurs projets, l’État a créé un incubateur de startups publiques en 2015. Les services publics numériques conçus dans ce cadre sont référencés sur beta.gouv.fr. Pierre Pezziardi, entrepreneur en résidence, est venu présenter le cheminement qui permet à ces services de voir le jour, dans le cadre du Blend Web Mix.
6 mois pour lancer une première version
Le principe est le suivant : l’administration lance un appel aux agents publics. Ceux qui ont une idée et qui sont prêts à s’investir durant 6 à 18 mois se manifestent. Si le projet est sélectionné, l’agent public est exfiltré hors de sa structure, car il est toujours difficile d’innover dans la structure. On crée une équipe réduite autour de l’initiateur, avec un ou deux informaticiens et un coach pour accompagner le projet. En six mois maximum, ils doivent développer un service, le mettre en ligne et accueillir les premiers usagers. Cette timebox est appliquée à tous les projets. Dans certains cas, les startups produisent des services accessibles en ligne, comme Mes Aides ou PIX, une plateforme de certification des compétences numériques. Dans d’autres cas, des API sont développées pour faciliter l’accès à des données (Le Taxi, API Drones…).
Le développement itératif appliqué aux services publics
Ce fonctionnement va à l’encontre des process habituels. L’administration, habituée aux projets fixes, validés avant d’être mis en œuvre, découvre ici les méthodes qui permettent aux startups de réduire leur time-to-market et d’évoluer en fonction de tests appliqués. C’est le principe du développement itératif : on préfère mettre un service en production rapidement puis l’améliorer ensuite, plutôt que d’attendre qu’il soit parfait pour le lancer. En interne, cela crée forcément des frictions. En externe aussi, car les citoyens ne sont pas habitués à ce que l’État lance des services en bêta. Au lancement du site Mes Aides, le site ne supportait pas toutes les situations individuelles et ne référençait pas toutes les aides. Le service a rapidement été critiqué car il était développé par l’État. Les usagers sont plus critique avec un service public, “qui doit être fonctionnel”, qu’avec un outil conçu par une start-up privée.
Quel ROI pour les startups d’État ?
Pierre Pezziardi nous rassure sur un point : l’impôt des citoyens n’est pas gaspillé sur des projets inutiles. La mesure du retour sur investissement est d’ailleurs au centre du dispositif. Un exemple : MPS est un service qui facilite les candidatures des entreprises aux marchés publics. On estime que la personne qui réalise cet acte gagne 20 minutes grâce à MPS. Elle gagne généralement 150% du SMIC. On calcule les bénéfices générés par l’outil en multipliant cette somme par le nombre de candidatures réalisées. On compare ensuite ces bénéfices aux coûts de développement pour décider, ou non, de continuer. Des statistiques d’usage sont accessibles pour la plupart des startups pour permettre aux citoyens de mesurer l’impact de chaque projet développé par une startup d’État.