Avatars : tendances, usages et dérives
Durant le Web2day nous avons assisté à l’intervention de Stéphane Maguet, directeur de l’innovation chez We Are Social. Retranscription d’une conférence très intéressante sur les avatars et leur présence grandissante dans notre société.

L’intervention de Stéphane Maguet commence par un extrait de Snow Crash, une œuvre de la littérature cyberpunk créée par Neal Stephenson en 1992.
« À l’approche de la rue, Hiro voit deux couples en train d’utiliser l’ordinateur de leurs parents pour un double rendez-vous dans le métavers. Il ne voit pas de vraies personnes, bien sûr. Tout cela fait partie d’une illustration en mouvement créée par son ordinateur à partir de spécifications descendant du câble à fibre optique. Ces personnes sont des logiciels appelés avatars. Ce sont les organes audiovisuels que les gens utilisent pour communiquer entre eux dans le métavers ».
Les avatars, des représentations qui permettent de se transposer, tirées d’activités humaines
Qu’est-ce qu’un avatar ? La définition la plus simple et connue de tous est celle qui le décrit comme un personnage virtuel choisi par un internaute, pour le représenter dans l’univers des jeux en ligne. Stéphane Maguet affirme que l’on retrouve finalement des avatars dans de nombreuses activités humaines comme la littérature, la religion, le carnaval…Des domaines dans lesquels on se métamorphose et se transpose dans le corps de quelqu’un d’autre, afin de se présenter socialement de manière différente.
Selon le directeur de l’innovation de We Are Social, « les avatars online tels que nous les connaissons à l’heure actuelle sont tirés d’histoires qui existent depuis longtemps dans la littérature, avec des allers-retours entre la tech et le storytelling, qui sont liés ».
Fait amusant qui traduit d’ailleurs cette synergie, Neal Stephenson a depuis été embauché par la startup MagicLeap, mastodonte de la réalité virtuelle, en tant que chief futurist officer. L’auteur doit depuis 2014 imaginer les futures expériences de la société, qui a notamment sorti Mica. Une intelligence artificielle qui se définit comme un éducateur, un guide ou un compagnon, dotée de vraies expressions faciales et d’un storytelling qui lui est propre.
L’avatar, l’ultime selfie qui peut être généré de différentes façons
Selon l’intervenant, l’avatar est comparable à un selfie ultime, qui prolonge la photo de profil et va plus loin car permet de réaliser plus de choses. Il va même jusqu’à le qualifier de « corps social, plus ou moins réalistes et fantasmés, avec la volonté d’interagir avec les autres. Nous choisissons en effet un avatar pour nous mettre à distance, nous protéger mais il s’agit tout de même d’une représentation virtuelle de notre corps ».
On peut distinguer plusieurs manières de créer ces corps virtuels :
- La personnalisation, qui permet de personnaliser un modèle vierge selon des critères précis (telle coupe de cheveux, avec telle couleur etc)
- Le scan en 3D par photogrammétrie, via une cabine dotée de plus d’une centaine d’appareils photos qui prennent des clichés d’une personne physique afin de recréer un double virtuel selon ses traits.
- Le paiement comme dans Fortnite, avec des modèles déjà créés qui ne sont pas vraiment ou peu personnalisables.
- La génération, avec des avatars générés à partir d’une multitude de photos Facebook, comme pour Facebook Spaces par exemple.
Plusieurs sociétés françaises se sont spécialisées dans la création d’avatars. La société nantaise Silkkee, offre par exemple de nouvelles expériences de storytelling de soi. Pour Roland Garros, une cabine permettait notamment de se créer un avatar 3D et de jouer un match comme Rafael Nadal. On peut également citer Eisko, une autre startup française, qui figure dans le top 10 mondial de celles qui sont capables de créer des avatars. Le niveau de réalisme proposé est bluffant, la société scanne même des personnalités célèbres, pour les besoins du cinéma notamment.
Une utilisation croissante dans notre quotidien, avec des usages multiples
Les fans de la série Black Mirror ont pu voir dans « 15 millions de mérites », l’épisode 2 de la saison 1, un futur ou chaque individu possède un avatar. D’après l’intervenant, « dans les années à venir, nous allons de plus en plus les utiliser : du gaming à la formation, pour la téléprésence et pas uniquement de l’entertainment, mais aussi pour des choses plus utiles et connectées avec le monde du travail, l’économie etc ».
Dans les années à venir, nous allons de plus en plus avoir recours aux avatars.
A l’heure actuelle, les avatars sont déjà présents dans divers secteurs et avec des usages différents. Dans le gaming bien entendu, les expériences immersives, les mondes virtuels (Second Life, vTime…). Mais aussi les hologrammes, l’influence virtuelle sur les réseaux sociaux avec une nouvelle typologie d’influenceurs comme Lil Miquela Blawko22 ou Bermudaisbae, qui ont une vie comme la notre écrite à la manière d’un scénario. Les réseaux sociaux avec Facebook Avatars, les Bitmojis de Snapchat, Gabsee, ou encore Morphin et Apple, qui dans iOS 13 prévoit une personnalisation plus poussée de ses Memojis.
Les influenceurs virtuels, nouvelles égéries des marques ?
Lil Miquela, qui comme Blawko et Bermuda a été créée par un studio, compte aujourd’hui 1,6 million d’abonnés. En l’espace de 18 mois, Time Magazine l’a même désigné comme l’une des 25 personnalités les plus influentes sur Internet en 2018. Elle défend des causes, se définit comme démocrate… Le storytelling est très important ici. Selon Stéphane Maguet, nous pouvons nous poser la question de savoir si les influenceurs virtuels ne seraient pas les nouveaux influenceurs de marques, de causes…
I guess Bermuda is a part of the Brud Gang now. Wish someone ran it by me first but ok 🙃
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Les marques n’ont d’ailleurs pas tardé à exploiter cette ressource. Margot, Shudu et Zhi par exemple. 3 avatars féminins au service de Balmain (un pour chaque cible de la marque), qui ne parlent pas, ne racontent rien. Ces avatars se contentent de transposer de la communication classique dans le numérique, avec un storytelling non étoffé et un seul objectif : vendre un produit. D’autres exemples ont été donnés par le directeur de l’innovation de We Are Social : le Colonel Sanders de KFC, Jedy Vales pour YouPorn, ou même Renault et Liv, son influenceuse virtuelle qui apparaît dans un spot télévisé pour promouvoir un véhicule.
D’après Stéphane Maguet, « ce qui fait la différence entre les avatars de marque et ceux plus construits en terme de storytelling, c’est leur inscription dans le temps. Ceux qui racontent des histoires sur la société, la culture, sont ceux qui ont une chance de s’inscrire dans le temps et d’aller au de la de la campagne de communication. Pour les autres, il n’est pas sur que leur influence soit réelle, sauf si elle est boostée de façon artificielle ».
La fabrique des illusions, quand les avatars peuvent s’avérer dangereux
Nvidia, firme spécialisée dans la conception de processeurs graphiques, a récemment créé grâce à l’algorithme StyleGan des personnes ultra réalistes qui n’existent pas dans la vraie vie (vous pouvez tenter de démêler le vrai du faux en cliquant sur ce lien).
Par le deep fake, « nous sommes maintenant capable de mapper en temps réel les expression de quelqu’un sur un autre visage, et ainsi reproduire la texture sur un autre modèle pour faire parler n’importe qui de n’importe quoi ». Selon le responsable de l’innovation, « il faut décrypter les images, faire attention à ce que l’on voit et adopter un esprit critique ». Le storytelling côtoie ici la manipulation et les fake news. Le phénomène peut avoir un vrai pouvoir de nuisance comme dans le cas du deep porn, où des visages d’actrices célèbres sont intégrés à des séquences de films pornographiques.
D’après Stéphane Maguet, « il s’agit ici, comme pour les avatars, d’autres manières de créer des personnalités artificielles puisqu’elles sont fausses. Le meilleur traitement est l’éducation à l’image, pour que l’on puisse avoir une vision critique et que l’on se pose plusieurs questions : qui pilote l’avatar ? Est-ce un humain ou un programme ? Doit-on avoir un contrat de lecture ? Les avatars humanisent énormément la conversation, nous sommes en droit de savoir qui est derrière ».
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