Attirer, former, diversifier : les enjeux majeurs de la cybersécurité en France

À l’occasion de l’European Cyber Week à Rennes, une table ronde était organisée sur le sujet de l’orientation et de la formation à la cybersécurité en France. Avec Jérôme Tré-Hardy, conseiller régional, Adil Mahmoud, délégué régional académique à la formation professionnelle, David Alis, président de l’université de Rennes, et Yann Bonnet, DG du Campus Cyber, un état des lieux des métiers de la cybersécurité et de leur image auprès de la population a été réalisé, mettant l’accent sur les verrous à briser et des mentalités à faire évoluer.

Pour la France de la cybersécurité, un déficit de talents

En France, la cybersécurité et les nombreux métiers qui la composent emploient 44 000 personnes. Il y aurait, en parallèle, 15 000 postes non pourvus, « mais je pense que c’est plus », admet Yann Bonnet, DG du Campus Cyber. Et ce problème de postes vacants n’est pas uniquement français. Au Japon, par exemple, on estime que 85 % des postes ne sont pas pourvus, contre environ 25 % en France. « C’est le gros sujet, le gros défi », constate Yann Bonnet. « On est en pleine pénurie au niveau de la cyber. » Il ajoute : « On a un vrai besoin de se mettre à l’échelle et, pour cela, il y a deux verrous principaux à essayer de briser. »

Un secteur qui « a besoin de diversité »

« Le premier verrou, c’est celui de l’attractivité », reconnaît l’ingénieur de formation. « On a besoin de diversité. » Il s’explique : « Si on n’est que des hommes, on va avoir des biais cognitifs. Face à des attaquants, des hommes blancs ingénieurs qui ont tous le même profil auront du mal à faire face. » Selon lui, pour attirer des profils divers – et notamment féminins -, il est nécessaire de changer l’image du milieu : « C’est à nous, parents, enseignants, conseillers, de changer cette image. Il faut faire comprendre que c’est noble de protéger sa nation, ses entreprises. » 

La formation, un enjeu à grande échelle

Pour Yann Bonnet, le deuxième verrou, « c’est celui de la formation », avec une question primordiale : comment former autant de personnes ces prochaines années ? « Cela va passer d’abord par la formation de formateurs, et il faut s’y pencher sérieusement. Les acteurs de la formation et les employeurs, ainsi que les associations, doivent jouer collectif pour adresser ce défi. » Jérôme Tré-Hardy, conseiller régional et délégué au numérique et à la cybersécurité, estime quant à lui que la formation « est l’enjeu numéro un au niveau régional ». Avec des besoins conséquents, « mais pas seulement dans des métiers bac+8. Même dans les métiers bac+2 ou bac+3, il y a des possibilités qu’il faut valoriser ».

Comment rendre la cybersécurité attractive et diversifiée ?

Pour attirer toujours plus vers le secteur de la cybersécurité, former et recruter des profils variés, il faudra dans un premier temps « travailler l’image », pense Yann Bonnet. « Il faut démontrer le sens de nos métiers, leur diversité, les parcours de carrière possibles. Il y a déjà beaucoup de choses positives qui sont faites en ce sens, mais il faut passer au niveau supérieur. »

Stimuler l’attractivité

Pour cela, il faut stimuler l’attractivité : « On va travailler avec les médias, les réseaux sociaux, pour déconstruire les préjugés. On réfléchit par exemple avec Radio France pour mettre en avant des role models, qui ne sont pas des hommes blancs avec des capuches et des lignes de code. On a des profils féminins, issus par exemple de reconversions, avec des histoires qu’il faut mettre en avant pour prouver que ces métiers sont accessibles à toutes et tous. » La campagne Demain spécialiste cyber répond également à cet enjeu, avec un site internet et des affiches mettant en valeur des profils variés, dans le but, là aussi, de casser les préjugés.

Investir l’imaginaire

D’autres moyens existent, comme des serious games ou des escape games. « On s’entraîne avec des attaquants, des défenseurs, donc il y a un aspect ludique. Il faut réussir à retranscrire tout ça, propose Yann Bonnet. On peut aussi investir l’imaginaire, par l’intermédiaire d’une série par exemple. Nous en discutons d’ailleurs avec le producteur du Bureau des légendes. »  En tant qu’expert, il veut « avoir un impact, en témoignant du sens de [leurs] métiers et changer l’image pour attirer plus de talents ».

Savoir orienter… ou réorienter

Yann Bonnet reconnaît que « par expérience, on se trouve souvent démuni pour orienter les jeunes ». Pour répondre à ce défi, des initiatives se mettent en place, comme celles des Cadettes de la cyber, qui ont créé une plateforme de mise en relation entre les candidats et les recruteurs (en partenariat avec HelloWork), des podcasts et se déplacent dans les établissements scolaires pour mieux informer et aider à l’orientation chez les plus jeunes. Mais les élèves ou étudiants ne représentent pas le seul enjeu. « À court terme, il faut agir fortement sur le sujet de la reconversion », ajoute en outre Yann Bonnet. « Il faut réussir à faire le lien entre la demande et le besoin de formation », conclut-il.