Adobe face aux défis de 2025 : entretien avec Sophie Yannicopoulos, DG France du groupe
Dans une interview exclusive, Sophie Yannicopoulos revient sur les enjeux d’Adobe en France : expansion, innovation et souveraineté dans un marché en pleine mutation.

En ce début d’année 2025, BDM a pu rencontrer Sophie Yannicopoulos, directrice générale d’Adobe France. Au cours de cet échange, la dirigeante nous a présenté les enjeux et les défis du géant de la création pour l’année à venir, tout en expliquant les particularités du marché hexagonal où Adobe est historiquement implanté.
Sophie Yannicopoulos, DG d'Adobe France
Formée à la MBS School of Business de Montpellier, Sophie Yannicopoulos est une figure du leadership féminin dans le secteur de la tech. Passée par Dell EMC et Salesforce, avec un crochet dans la cybersécurité, elle occupe depuis 2021 le poste de directrice générale d’Adobe France.
Quelle place occupe la France dans la stratégie globale d’Adobe ?
C’est un pays qui est important puisque la filiale France a été l’une des premières filiales créées par Adobe en 1995. L’ambition a toujours été de faire de la France l’une des locomotives du business d’Adobe en Europe. C’est la raison pour laquelle nous avons investi dans de nouveaux bureaux, en 2020, afin de réunir toutes nos équipes et de faire rayonner Adobe en France.
Fait intéressant, nous avons gardé l’essence des équipes R&D des entreprises françaises acquises. À ce propos, l’acquisition de la banque d’images Fotolia (devenue Adobe Stock) est une composante clé de l’histoire du développement de notre IA générative Adobe Firefly, puisque celle-ci est entraînée sur les contenus de Stock (et par ailleurs des contenus libres de droits). Celle d’Allegorithmic (aujourd’hui Adobe Substance 3D) nous a ouvert de nouvelles industries qu’on adresse (jeux vidéo, divertissements), mais nous a aussi permis de rester, grâce aux talents, à l’avant-garde de l’innovation dans le domaine de la création.
Qu’est-ce qui fait que la France a été l’un des premiers marchés à l’étranger pour Adobe ?
À cette époque, on avait très peu de filiales par pays, et la France était vraiment une zone très stratégique. Cela a marqué une première étape pour Adobe en France, avec un attrait, à l’époque, de nos fondateurs pour notre pays et pour les talents français. Ensuite, il y a donc eu ces trois acquisitions majeures de pépites françaises, dont deux mentionnées plus tôt : une dans le marketing digital, Neolane ; Fotolia, une marketplace de médias ; et Allegorithmic, une entreprise qui nous a permis d’aller sur le monde de la 3D et de l’immersif. Historiquement, la 3D était surtout utilisée dans les jeux vidéo, mais nous avons intégré cela dans le monde de la création et de l’expérience.
Est-ce que la France a toujours cette réputation d’être un pays d’innovation et de créativité aux yeux d’Adobe ?
Oui, l’image des talents qu’on peut trouver en France reste très dominante. Sur le sujet de l’IA, c’est également un point d’intérêt. Par exemple, l’IA Action Summit en février à Paris attire nos dirigeants américains, curieux de voir les annonces qui seront faites par le gouvernement français. La France est reconnue non seulement pour son business mais aussi pour ses talents et ses pépites potentielles.
Quelles sont les priorités stratégiques d’Adobe France pour 2025 ?
Sur le plan business, l’objectif est d’adresser tous les professionnels, du freelance à la grande entreprise du CAC 40, sur les sujets de création. Sur les sujets d’expérience, nous nous concentrons davantage sur les entreprises du SBF 120, avec pour objectif de devenir un véritable partenaire technologique en marketing digital et expérience client. Aujourd’hui, nous travaillons avec la moitié des entreprises du SBF 120 et l’objectif est de continuer à nous étendre dans ce domaine. Concernant les outils comme Creative Cloud et Document Cloud, et plus globalement la création de documents, ce pour quoi nous sommes le plus connus, nous voulons toucher tout le monde, du freelance au décideur du CAC 40.
Quels sont les grands défis pour Adobe France dans les prochains mois ou prochaines années ?
Nous voulons rester vus comme des experts en expérience et en création, qui sont notre ADN. Un enjeu majeur est de montrer comment l’IA peut aider nos clients à être plus productifs face à l’explosion des contenus. Aujourd’hui, les entreprises voient leurs budgets diminués et leurs ressources contraintes. Notre postulat est que l’IA peut les aider à personnaliser et individualiser leurs contenus sans exploser les coûts, grâce à des technologies qui simplifient les usages. Par exemple, Adobe Express permet à des créatifs non professionnels de produire des contenus de qualité, boostés par l’IA.
Comment Adobe intègre-t-il les enjeux d’éthique et de souveraineté dans son approche en France ?
Chez Adobe, nous avons pris le parti de développer nos solutions d’IA de manière très précautionneuse. Par exemple, notre moteur d’IA générative Firefly s’est entraîné sur une base d’images sécurisées issues d’Adobe Stock. Cela nous permet d’être transparents, sécurisés et conformes aux réglementations, comme l’IA Act en Europe. Nous avons des discussions avec le gouvernement pour promouvoir une IA responsable. Les grandes entreprises comme LVMH ont rapidement validé notre approche, car elles ont besoin de solutions sécurisées pour protéger leur image de marque.
L’IA Firefly et ses nombreux outils ont connu une adoption rapide dans le monde. Comment cela se passe-t-il en France ?
Sur Firefly, la France est alignée avec les autres marchés. La web app a bien marché et a attiré beaucoup plus d’utilisateurs que nos clients historiques. L’intégration de l’IA dans Adobe Acrobat a également permis d’augmenter de 25 % l’utilisation de nos solutions, autant sur les plans gratuits que payants. Nous avons su montrer que nos solutions apportent de la valeur, au-delà de simplement « faire de l’IA pour faire de l’IA », le tout avec beaucoup de sérieux.
Quels sont les secteurs en France qui adoptent le plus rapidement les outils d’Adobe ?
Trois secteurs se distinguent particulièrement. D’abord, le luxe, auquel on peut ajouter le retail, qui innovent pour personnaliser leur relation client. Ensuite, l’automobile, un marché disrupté et en transformation qui se tourne vers nos technologies. Enfin, les banques, qui exploitent nos solutions pour personnaliser les contenus et améliorer l’expérience client sur leurs applications.
Adobe a-t-il des concurrents à l’heure actuelle ?
Oui, bien sûr, cela dépend des segments. Sur le marché du Creative Cloud pour les entreprises, nous avons peu de concurrents. Sur les créatifs non professionnels, il y a plus d’applications émergentes. Enfin, sur la partie MarTech (technologies pour le marketing), il existe des concurrents spécialisés, mais aucune autre plateforme n’adresse à la fois les créateurs et les marketeurs comme nous.
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