Interview : quelle importance a le social selling dans les pratiques commerciales en 2021 ?

Interview de Michelle Goldberger, auteure du livre « Le social selling au pays du ROI ».

Social selling
Le social selling, tendance croissante ou pratique déjà installée ? © siraanamwong / stock.adobe.com

Le social selling, démarche visant à intégrer les réseaux sociaux et les contacts en ligne dans sa stratégie commerciale et marketing, est en plein essor depuis déjà quelques années. Incontournable dans certaines entreprises qui ont bâti leur stratégie et leur succès sur cette pratique, il est encore balbutiant ou ignoré dans d’autres qui n’ont pas pleinement opéré leur transformation digitale. Où en est-on aujourd’hui ? Quelles opportunités offre-t-il aux entreprises ? Pour en savoir plus sur le sujet, nous avons interrogé Michelle Goldberger, qui vient de consacrer un livre au sujet : Le Social Selling au pays du ROI.

Pouvez-vous commencer par vous présenter ?

Je suis Michelle Goldberger, social selling & social media trainer, speaker et
entrepreneure franco-américaine. Aventurière dans l’âme, je suis passionnée par les solutions pragmatiques et j’ai fondé la première entreprise de formation dans le milieu du fitness en Russie juste après la chute du mur de Berlin. J’ai ainsi formé plus de 500 professionnels dans cinq villes de l’ancienne Union soviétique. Au début des années 2000, je suis arrivée en France pour prendre le poste de directrice marketing au sein d’une entreprise d’informatique.

En 2007, avec l’avènement des premiers réseaux sociaux, l’idée de fonder une entreprise de formation aux médias sociaux était l’étape ultérieure naturelle pour moi. Forte d’une expérience internationale d’environ quatorze ans et de 4 000 collaborateurs formés dans une soixantaine d’entreprises, d’universités internes et de réseaux de franchises, je partage mon vécu sur le social selling, les réseaux sociaux et l’ingénierie pédagogique en tant que speaker dans les entreprises et les grandes écoles. Aujourd’hui, je suis CEO de The Smartworking Company®, une entreprise de formation et d’acculturation aux réseaux sociaux pour les entreprises et leurs équipes.

On parle beaucoup de social selling depuis quelques années. Comment définiriez-vous cette pratique ?

Le social selling, l’utilisation des réseaux sociaux pour ouvrir et maintenir des passerelles conversationnelles avec les membres de son écosystème, permet aux commerciaux, marketeurs, communicants… d’être en contact avec les bonnes personnes, au bon moment avec les bons contenus, au bon endroit, dans l’optique de générer des leads, de la visibilité et de la valeur.

À quel point le social selling révolutionne-t-il le travail des commerciaux et du marketing ?

Je ne sais pas si le social selling « révolutionne » le travail des commerciaux et des marketeurs. La base du social selling est le #customercentricity*, qui date des années 1940 quand Dale Carnegie disait qu’il fallait s’intéresser aux autres ! Je dirai plutôt que le social selling rend les commerciaux, marketeurs et les prospects et clients plus smart, car il :

  • se base sur un travail d’équipe : les commerciaux + les marketeurs. Cette collaboration est essentielle afin d’acquérir de nouveaux clients et de leur être utile.
  • ramène le focus sur la mise en avant du client au cœur de toutes les activités commerciales/marketing.
  • permet aux prospects/clients d’apprendre davantage et d’optimiser leur savoir.
  • peut automatiser certaines activités répétitives, en économisant du temps pour les commerciaux/marketeurs, en leur donnant encore plus de temps pour se concentrer davantage sur les prospects/clients et, donc, de mieux les servir.
  • aide à créer plus de valeur et donc contribue à une augmentation de chiffres d’affaires.

Où en est-on de son adoption ? Est-il devenu incontournable dans les entreprises, ou reste-t-il une pratique marginale ?

Je pense que le social selling est devenu incontournable pour les entreprises. Premièrement, cela est dû à la digitalisation et la technologie. Nos clients et prospects savent tous faire du « Social Buying ». Dans leur vie privée, ils ont l’habitude de faire des achats facilement sur Internet. Les acheteurs BtoB commencent à appliquer ces habitudes de consommation BtoC dans leurs activités professionnelles BtoB. Donc, les commerciaux travaillant dans le BtoB doivent faire face à ces nouveaux usages et doivent être présents là où sont les clients et prospects. Deuxièmement, la pandémie a forcé et force encore beaucoup d’entreprises à reconnaître l’utilité du canal social.

 N’y a-t-il pas un risque de lassitude de la part des personnes prospectées si la pratique devient trop courante, ou cela créera-t-il au contraire un modèle vertueux ?

Oui, effectivement, il y a des personnes prospectées qui se lassent d’être continuellement contactées par des commerciaux qui pensent faire du social selling. La pratique courante n’est malheureusement pas le vrai social selling, mais plutôt du « hard selling », des pratiques de vente agressive. Ces commerciaux, parfois des social cowboys, ne sont ni accompagnés, ni soutenus par le management. Sans formation, ils pensent  bien faire… Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une pratique courante ou non courante, mais il s’agit juste du bon sens. Si les prospects et clients sont sur plusieurs canaux, il faut être sur ces mêmes canaux afin d’échanger avec eux, faire de la veille, créer de la visibilité et de la valeur.

Par où commencer quand on est une entreprise qui souhaite se lancer dans une démarche de mise en place du social selling ?

Il faut commencer avec, ce j’appelle dans mon livre, « votre vision social selling pour l’entreprise », en faisant un état des lieux. Une fois la motivation en place, il convient de réfléchir à plusieurs éléments : besoins client, produits/services, objectifs commerciaux, stratégie de l’entreprise, etc. Et il ne faut pas oublier la notion de niveau de maturité social selling, mais aussi de transformation digitale du directeur, de l’entreprise et de son secteur, ses produits, ses équipes, etc. Les possibilités sont infinies, mais ce qu’il faut garder en tête, c’est que pour les entreprises engagées dans le social selling et tout ce qui l’entoure, tout n’est pas venu d’un seul coup. Elles ont débuté en construisant brique par brique – en rassemblant ce qu’elles avaient déjà mis en place, même si c’était loin d’être parfait : les premiers benchmarks (même de courtes « études » de base), contenus marketing, leur base de données/CRM, les buyer personas, le parcours client, les premiers social cowboys chez eux… Faites le test pour savoir si vous et votre entreprise êtes prêts pour lancer une démarche de mise en place du social selling !

D’après vous, quelles vont être les prochaines tendances du social selling ?

Je ne sais pas s’il faut appeler les prochaines étapes des « tendances ». Je pense plutôt qu’il y aura encore des paliers à franchir… Pour beaucoup d’entreprises et de réseaux de franchises, distributeurs etc., cela veut dire :

  • reconnaître son utilité ;
  • acculturer davantage de collaborateurs, le board, les équipes d’expérience client, de service client etc. et uniformiser les approches… ;
  • préparer les évangélistes et les équipes de sales enablement** internes… ;
  • chercher des compétences externes capables de les aider ;
  • changer en interne leurs process ;
  • mettre en place des formations internes dans les écoles de ventes et universités/centres de compétences internes… ;
  • automatiser certaines actions marketing/commerciales avec des outils ;
  • utiliser l’IA ;
  • s’impliquer dans la transformation digitale…

La meilleure façon de se projeter dans cette nouvelle décennie, ou dans cette nouvelle période de crise sanitaire, ne consiste pas à juste suivre les nouvelles tendances ou inciter une nouvelle fournée de startups ou à recruter un data scientist. Il s’agit, au contraire, de capitaliser sur l’existant (les ressources, l’expérience des collaborateurs qui sont prêts à monter à bord, les situations réelles, les techniques et outils déjà en place…) et de se mettre dans une dynamique d’évolution permanente. Dans le social selling, il n’y a ni magie ni gadgets. Juste quelques doses de réflexion, de bon sens, de stratégie, de conduite du changement, de bonne posture, de bons outils… Et l’ouverture d’un esprit prêt à échouer, à apprendre et à aller de l’avant. En conclusion, comme Michel (personnage fictif du livre) dirait : « ne te focalise pas uniquement sur ce qui vient après ! Il faut en tenir compte, bien évidemment, mais n’oublie pas de considérer, d’apprécier et d’investir dans ce que tu as sous ton nez ! »

*customer centric : centré client, approche décrivant l’expérience client fournie par l’entreprise. Une entreprise centrée client met le client au centre avant, pendant et après la vente. En d’autres termes, tout ce que fait l’entreprise s’articule autour du client et de ses besoins (source : glossaire du « Le Social Selling au pays du ROI« , Michelle Goldberger, Pearson France).

**sales enablement : ensemble de processus, d’analyses des datas, d’outils et de contenus mis à disposition des commerciaux, afin de vendre plus efficacement et de façon régulière (source : glossaire du “Le Social Selling au pays du ROI”, Michelle Goldberger, Pearson France).

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