WhatsApp en pleine opération de privacy-washing
Une « simple » mise à jour des CGU aura mis le feu aux poudres : WhatsApp tente désormais d’éteindre les braises. Est-ce trop tard et est-ce crédible ?
Une mise à jour très remarquée des CGU et de la politique de confidentialité
Depuis la semaine dernière, les utilisateurs de WhatsApp sont « invités » à accepter ses nouvelles conditions d’utilisation. À partir du 8 février 2021, ceux qui ne les auront pas acceptées ne pourront plus utiliser WhatsApp. D’habitude, les utilisateurs approuvent les changements sous la contrainte sans rechigner, comme ils acceptent qu’on dépose des cookies en arrivant sur un site web sans trop comprendre les conséquences pour leur vie privée. Mais cette fois-ci, pas de chance : le simple fait de voir les mots « Facebook » et « WhatsApp » associés dans une même phrase les a incités à croire que cette mise à jour n’avait pas été pensée pour servir leurs intérêts. Et certains messages sur les réseaux sociaux ont amplifié le bruit autour de cette mise à jour controversée.
Use Signal
— Elon Musk (@elonmusk) January 7, 2021
Des publicités et des infographies pour rassurer les utilisateurs
Résultat : d’autres applications, qui constituent d’excellentes alternatives à WhatsApp, sont venues truster les premières places de l’App Store et du Play Store. Pour tenter de colmater la brèche, de rattraper ceux qui se tournaient vers Signal et Telegram, WhatsApp fut obligé de lancer une opération de grande envergure pour sauver sa réputation. Communiqués de presse, messages sur les réseaux sociaux, infographies et même des publicités dans les journaux comme le montre le tweet ci-dessous.
After all the "leaked Whatsapp conversations". Cute. #dataprivacy pic.twitter.com/VfbkHNyas3
— Mitali Mukherjee (@MitaliLive) January 13, 2021
Un article de plus de 900 mots a également été publié pour apporter des « Réponses à vos questions concernant la Politique de confidentialité de WhatsApp« . Vous pouvez le consulter pour comprendre ce que WhatsApp ne fait pas ou visualiser l’infographie ci-dessous qui rappelle ces propriétés de l’application. Facebook insiste évidemment sur ce que « WhatsApp ne fait pas » et non sur ce que « WhatsApp fait » de vos données.
Quand c’est flou, il y a un loup ?
De nombreux éléments peuvent expliquer la fronde des utilisateurs et leur exode massif vers d’autres solutions – 25 millions de personnes ont rejoint Telegram en 72 heures.
WhatsApp, une entité Facebook
D’une part, WhatsApp a sans doute sous-estimé la proportion d’utilisateurs de l’application qui ne savaient pas que WhatsApp appartient au groupe Facebook. C’est désormais écrit dans les paramètres de l’application (from Facebook), mais c’est loin d’être suffisant pour que cela soit compris et assimilé par la majorité des utilisateurs.
WhatsApp, victime collatérale de la réputation de Facebook
Le fait qu’une entité appartienne à une autre et puisse lui transmettre des données personnelles est nécessairement un point de friction pour les utilisateurs. Et quand la maison-mère s’appelle Facebook… WhatsApp est nécessairement une victime collatérale de la réputation de Facebook en matière de traitement des données personnelles. De l’affaire Cambridge Analytica aux revendications contre la politique d’Apple en matière de confidentialité, il est des sujets qui forgent une réputation au fil des ans.
L’image du couple WhatsApp-Facebook avait également été ternie en 2016 lorsque la Commission européenne avait affirmé que « Facebook [avait] communiqué des informations trompeuses sur le rachat de WhatsApp« . L’affaire concernait déjà la combinaison de données entre les deux plateformes, notamment pour « afficher des publicités plus pertinentes sur les comptes Facebook des utilisateurs de WhatsApp ».
WhatsApp Ireland Limited et WhatsApp LLC
Le montage juridique des conditions d’utilisation a nécessairement contribué à la mécompréhension des changements en Europe. Juridiquement, on distingue la société WhatsApp Ireland Limited, qui fournit les services pour une « région européenne, qui comprend des pays de l’Union européenne » – et qui, à ce titre, est également responsable du traitement des données ; de la société WhatsApp LLC qui fournit les services pour les autres pays du monde. Chacune de ces deux sociétés propose ses propres CGU et sa propre politique de confidentialité. Résultat : les Européens ne sont pas logés à la même enseigne et ils sont globalement mieux protégés.
Cette stratégie a des intérêts juridiques évidents, qui permet de ne pas appliquer une politique globale aussi restrictive que la plus restrictive des réglementations locales. Mais le revers de la médaille est une plus grande complexité des règles appliquées, qui deviennent ainsi moins accessibles pour les utilisateurs et les médias.
Une transparence qui trahit les velléités de Facebook
Nous l’avons vu, Facebook tente par tous les moyens de rassurer les utilisateurs et n’hésite pas à produire beaucoup de contenus pour y parvenir. On pense notamment à cette page qui explique comment WhatsApp travaille avec les autres entités Facebook – on parle ici de WhatsApp Ireland Limited, et donc des utilisateurs européens. Facebook précise notamment qu’il « n’utilise pas les informations de votre compte WhatsApp pour […] vous proposer des publicités Facebook plus ciblées ». Facebook aurait pu s’arrêter là, mais il précise ensuite que « ceci est le résultat de discussions avec le commissaire irlandais chargé de la protection des données et d’autres autorités responsables de la protection des données en Europe ». Preuve, s’il en fallait, que Facebook n’utilise pas vos données WhatsApp à des fins publicitaires car il y est contraint par la législation.
Le paragraphe se poursuit sur le même ton : « si, à l’avenir, nous décidons de partager de telles données avec les Entités Facebook à cette fin, nous conclurons d’abord un accord avec le commissaire irlandais chargé de la protection des données afin d’établir un mécanisme qui permette une telle utilisation. Nous vous informerons des nouvelles expériences (sic) mises à votre disposition et de nos pratiques concernant l’utilisation de vos données ». Facebook évoque une « information » qui serait alors donnée à ses utilisateurs. Il devrait plutôt s’agir d’un « recueil du consentement » qui, a priori, ne pourrait s’avérer obligatoire pour le bon fonctionnement de WhatsApp. Le RGPD impose effectivement que le consentement soit libre, spécifique, éclairé et univoque.
Esprit des fondateurs, es-tu là ?
Les paroles s’envolent, les écrits restent, même ceux des fondateurs de WhatsApp. Avec cette affaire, le billet de blog Pourquoi nous ne vendons pas de pub, publié par Jan Koum et Brian Acton en 2012, prend une saveur toute particulière. Une lecture conseillée donc, qui nous rappelle que la vérité d’un jour n’est pas toujours celle du lendemain.
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