UX design et éthique : entre déontologie et réalité du marché

Dark patterns, messages manipulateurs, addiction… Quand l’objectif du design entre en conflit avec l’objectif de l’utilisateur, l’éthique de l’UX designer est souvent mise à mal.

Web designer working on website sitemap
Crédits : Getty Images / CarmenMurillo

La récolte, l’exploitation et le traitement des données personnelles est devenu en l’espace de quelques années une question sérieuse dans le développement de projets numériques. L’UX est également touché par cette démarche, et si l’enjeu de l’éthique semble claire pour beaucoup, certains soulèvent un paradoxe entre la volonté de développer un produit pour un client, souvent en demande de données, et l’expérience de l’utilisateur.

Les principes du design éthique

Pour designer de manière éthique, Raphaël Yharrassarry, UX designer pour iErgo suit les préceptes du code conduite de l’UXPA adopté en 2005 :

  • Agir dans le meilleur intérêt de tous
  • Être honnête envers tous
  • Ne pas nuire et si possible contribuer aux bénéfices de tous
  • Agir avec intégrité
  • Éviter les conflits d’intérêts.
  • Respecter la vie privée, la confidentialité et l’anonymat
  • Communiquer tous les résultats

« Si on veut respecter ces règles éthiques, par exemple dans les cas des CGV (Conditions Générales de Vente) ou du RGPD, il faut proposer des interactions respectueuse de la loi, indique Raphaël Yharrassarry, sans « dark pattern » qui viendrait tromper les utilisateurs, comme par exemple cacher au deuxième niveau le refus des cookies ou utiliser des couleurs non explicites. »

Mais comment mettre facilement en application ces préceptes ? Sont-ils toujours en adéquation avec la volonté de l’entreprise dans le développement d’un produit ou d’un service ?

Aujourd’hui, les tendances ont évolué. Il ne s’agit plus de faciliter la navigation d’un utilisateur peu versé dans les usages du numérique, mais bien de renforcer des usages axés sur l’engagement et la conversion. Dans un cadre où l’objectif de l’UX designer est de créer des envies et optimiser des usages, l’éthique a-t-elle encore sa place dans le travail de l’expérience utilisateur ?

Le difficile rôle d’équilibriste de l’UX designer

Même avec toute la bonne volonté du monde, il reste aujourd’hui compliqué pour un designer de donner une place prépondérante à sa vision de l’éthique dans le développement d’un projet. Pour certaines applications par exemple, elles requerront des interfaces amenant l’utilisateur à passer du temps sur leur produit, à acheter, interagir, ou développer une dépendance, un syndrome de Fear of Missing Out avec à la clé un temps d’utilisation bénéfique pour l’application.

Dans d’autres cas encore, ce seront les process eux-mêmes qui mettront à mal la volonté de l’UX designer de faire un travail « propre ». Conflit avec les besoins d’autres pôles, changements de direction au cours du projet… Les raisons ne manquent pas.

« Je ne crois pas à la pertinence du concept de « design éthique », confie Benoit Drouillat, UX designer pour Oodrive. On ne peut pas faire de design « éthique », c’est une contradiction. Les designers ne peuvent qu’exercer leur conscience et leur esprit critique, ou se conformer à des impératifs réglementaires (comme RGPD, par exemple). Mais il ne peuvent être à la fois le problème et la solution de ce même problème. »

Crédits : Getty Images / Korrawin

Le rôle de l’UX designer

Mais n’est-ce pas l’objectif principal de l’UX designer que de se faire le représentant de l’utilisateur ? De penser comme il pense et anticiper ses craintes et ses doutes sur la protection de ses données ?

« La question de la collecte des données est vaste, explique Emmanuelle Martin, UX designer chez HelloWork. Elle concerne aussi bien les données que l’utilisateur consent à renseigner de lui-même (des coordonnées dans un formulaire de contact par exemple) que celles qui sont plus invisibles (les données récoltées par les cookies pendant toute sa navigation).

Si on prend l’exemple de la captation de données « visibles » dans un formulaire, le travail de l’UX designer sera en partie d’interroger le choix des renseignements que l’on demande à l’utilisateur. Par exemple, est-ce que le genre (Homme/Femme, Monsieur/Madame, etc.) est une donnée nécessaire ou inutile et discriminante ? etc. »

La mise en place du RGPD l’année dernière peut servir de référence pour les UX designers désireux de faire des démarches respectueuses des utilisateurs. L’association Designers Éthiques tente également de dresser une méthode détaillée de diagnostic du design attentionnel, afin de permettre aux UX designers d’évaluer et de prioriser les éléments pour rendre leur produit ou leur service plus responsable face à l’utilisateur.

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