Threads fête ses 1 an : quel bilan pour le concurrent de X ?
Suscitant un intérêt immédiat chez ceux qui songeaient sérieusement à déserter Twitter, Threads a ensuite eu du mal à maintenir cette dynamique.
Le scénario du duel opposant Threads à Twitter n’avait rien à envier aux sagas de l’été, ces mini-séries diffusées à un rythme hebdomadaire lors de la période estivale et traditionnellement centrées autour d’intrigues familiales ou de rivalités entre clans – qui s’opposent habituellement en tout point. Le 5 juillet 2023, en déployant sa plateforme reposant sur le texte, le groupe Meta donnait le coup d’envoi d’un feuilleton riche en rebondissements, et qui allait se jouer sur tous les terrains, à la fois en ligne et hors-ligne.
Dans le monde virtuel, il n’était pas dit que Meta remporte la bataille de l’attention, même face à un Twitter en difficulté, alors que d’autres acteurs, assurément plus modestes, avaient échoué avant lui. Son projet, mûri pendant des semaines sous l’appellation P92, mais qui était amputé d’une série de fonctionnalités majeures au lancement, disposait-il de suffisamment d’atouts pour ringardiser définitivement l’acteur historique du microblogging ? Et ce, même si ce dernier multipliait les décisions altérant l’expérience et risquant d’entraîner un exode massif ?
Dans le monde réel, la compétition pour séduire les utilisateurs s’est vite transformée en guerre d’égos entre les deux fondateurs. Le duel a même pris un tournant inattendu lorsque Mark Zuckerberg et Elon Musk, qui s’écharpaient jusqu’ici dans les médias, évoquaient sérieusement la possibilité de régler leur conflit interpersonnel en s’adonnant à un combat d’arts martiaux mixtes (MMA), le 26 août, « sous l’œil des caméras du monde entier », raconte Le Monde.
Le combat n’a finalement eu lieu ni IRL (« In real life ») ni IVL (« In virtual life »). Ce 4 juillet 2024, soit quasiment un an jour pour jour après le déploiement de Threads dans les pays anglophones, il semble difficile de désigner un vainqueur par K.O : l’application sœur d’Instagram est très loin d’avoir atteint les ambitieux objectifs fixés par son PDG, tandis que Twitter, devenu X, n’a pas sombré comme cela avait été souvent prédit. Mais alors, quel bilan peut-on dresser pour Threads ?
Un succès fulgurant
Les premiers indicateurs accordaient le droit d’être optimiste. Le 10 juillet 2023, soit 4 jours et 6h après le lancement, Threads dépassait les 100 millions d’utilisateurs, devenant ainsi la plateforme la plus rapide de l’histoire à atteindre ce seuil devant ChatGPT, l’autre phénomène de l’année. Malgré un lancement retardé en Europe, en raison de l’intégration d’éléments non conformes à la réglementation européenne sur les marchés numériques (DMA), Threads avait suffisamment réussi son démarrage pour espérer bouger les lignes.
Twitter a eu l’occasion [d’atteindre le milliard d’utilisateurs] mais n’a pas réussi. Nous espérons y parvenir, ambitionnait Mark Zuckerberg.
Indéniablement, le réseau social de Meta a profité des errements stratégiques du « volatile » et « imprévisible » Elon Musk, comme le décrit Adam Mosseri, pour séduire une foule d’early adopters. Mais il a aussi largement bénéficié de l’audience et la force de frappe de son application soeur. Envisagé dès la phase de conception comme une extension, en témoigne la tagline « Threads, an Instagram App » s’affichant dans les boutiques d’application, la plateforme ne partait pas de zéro et disposait même d’une base assez solide. Cette relation de proximité avec l’application cumulant 2 milliards d’utilisateurs lui a aussi permis d’attirer de nombreuses célébrités et leaders d’opinion au lancement, dont Gordon Ramsay, Ellie Goulding ou plus tardivement Kylie Jenner, pourtant critique vis-à-vis du réseau de partage de photos et de vidéos. Un débarquement d’influenceurs qui avait été minutieusement orchestré par Meta. En coulisses, le groupe de Menlo Park avait préalablement négocié la présence de plusieurs personnalités de premier plan sur son application, telles que le Dalaï-Lama ou Oprah Winfrey, selon le média américain The Verge.
Depuis un an, Threads piétine
En dépit de nombreux signaux positifs, le succès fut relativement éphémère. Amputé d’une série de fonctionnalités popularisées par Twitter (Trending Topics, hashtags, etc.), peut être pour cultiver sa différence mais surtout parce que l’application semblait avoir été déployée dans l’urgence, Threads a vite stagné, voire régressé. En août, le nombre d’utilisateurs utilisant quotidiennement l’application s’effondrait de 80 %, rapportait SimilarWeb. Et le constat était aussi alarmant en examinant d’autres indicateurs : l’utilisateur passait en moyenne trois minutes sur l’application en août 2023, soit onze minutes de moins qu’au mois précédent. Le lancement de l’application en Europe, au mois de décembre, a momentanément relancé l’activité, mais n’a pas suffi à compenser la baisse de régime. Et surtout empêcher Threads de sombrer dans une forme d’immobilisme.
Depuis, les rares informations disponibles sur l’activité de la plateforme proviennent de Meta, la maison-mère, ou de Mark Zuckerberg lui-même, qui se félicitait récemment d’avoir atteint le seuil des 175 millions d’utilisateurs mensuels. « Ce que j’aimerais savoir, c’est combien d’utilisateurs utilisent l’application quotidiennement », tempérait Alex Heath, journaliste à The Verge, soupçonnant le groupe de Menlo Park de gonfler ses statistiques en promouvant des publications Threads dans les fils Instagram.
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Que manque-t-il à Threads pour s’imposer ?
Après un démarrage aussi fulgurant, il semblait légitime de s’attendre à une adoption plus large par le grand public, même si les chiffres sont loins d’être alarmants. « Twitter n’était peuplé que d’early adopters au départ, remet Nicolas Guillemot, PDG de Dynvibe, société spécialisée dans la social intelligence, lors d’un entretien accordé à BDM.
Même en bénéficiant de la force frappe de Meta, on peut difficilement préjuger d’un succès. Google a ramé pendant des années avant d’abandonner Google +, par exemple. On peut être un mastodonte, disposer de moyens financiers conséquents, rien ne garantit l’adhésion des utilisateurs.
Mais alors, que manque-t-il à Threads, justement, pour susciter l’adhésion ? À l’heure actuelle, la plateforme semble accuser un retard en matière de fonctionnalités. Un déficit technique qui a toutefois été partiellement comblé, rendant de facto Threads de plus en plus semblable à X. Ces derniers mois, Meta a progressivement introduit ou testé plusieurs nouveautés : une version web, un système atypique de hashtags, une interface semblable à TweetDeck, l’affichage de sujets « tendances » (Trending Now) ainsi qu’un compteur de vues sur les publications.
En dépit des efforts déployés, Threads semble souffrir d’un déficit d’intérêt, et n’a pas été suffisamment investi par des personnalités publiques alors qu’il s’agit de la principale force de X, lui conférant un coup d’avance lors d’événements majeurs. Peu de journalistes, de médias, d’hommes politiques ou d’influenceurs ont ainsi totalement déserté X – qui reste même pour certains un canal de communication privilégié – au profit de l’application de Meta. Et ce, malgré la toxicité ambiante, les décisions souvent étonnantes de son propriétaire ou la présence de nombreuses personnalités ou contenus problématiques. En janvier dernier, le journaliste Andrew Hutchinson, du site spécialisé SocialMediaToday, avait déjà formulé ce constat, en comparant l’activité des 50 comptes les plus suivis sur X à leur présence sur Threads. « Il est à noter que la moitié (24) des profils les plus suivis sur X ne sont pas présents sur Threads », concluait-il.
Le groupe californien, ouvertement frileux à la mise en avant de certains contenus (notamment d’actualités ou politiques), paie aussi, sans doute, son positionnement plus lisse et modéré. Cette approche, susceptible de séduire les marques songeant à déserter Twitter, apparaît autant comme une force qu’une faiblesse lorsqu’il s’agit de conquérir de multiples typologies d’utilisateurs. « En entravant la viralité naturelle de la plateforme suivant les sujets, Threads risque de rendre son contenu “plat”, soi-disant idéal pour vendre des publicités mais non pour engager ces utilisateurs à discuter de ce qui leur tient à cœur, décryptait l’expert en social data science Florent Lefebvre, sur le blog de Visibrain. C’est par l’engagement de sa communauté que Twitter à un poids de taille. Sans ça, Threads ne sera que le “chat” d’Instagram ».
La dernière analyse de SimilarWeb, publiée ce mardi 2 juillet 2024, dresse néanmoins un tableau optimiste pour la dernière-née du groupe Meta. Selon la plateforme d’analyse concurrentielle, « Threads a progressivement construit son audience au cours de l’année écoulée » après avoir suscité un « intérêt massif mais éphémère ». Le nombre d’utilisateurs actifs mensuels aurait augmenté de 15,8 % aux États-Unis et de 6,3 % au Royaume-Uni.
Une audience qui reste toutefois éloignée de X : « X compte toujours environ 9 fois plus d’utilisateurs actifs mensuels que Threads, d’après nos estimations pour les États-Unis. Au niveau mondial, X génère environ 48 fois plus de trafic web que Threads », conclut SimilarWeb. La saga de l’été dernier n’a pas encore connu son dénouement.
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