Safari, le navigateur favori que l’on n’a pas vraiment choisi
Deuxième navigateur le plus utilisé, Safari ne représente pas une alternative sérieuse à Chrome, au vu de son exclusivité. Mais, les deux acteurs sont plus liés qu’il n’y paraît, et le procès de Google pourrait bien faire des ricochets.

Qui aura la peau de Google Chrome (4/5)
Au terme d’une procédure initiée en 2020, le ministère américain de la Justice (DOJ) pourrait bientôt prononcer une décision historique : un démantèlement de Google, incluant la cession de son navigateur Chrome. Si ce scénario venait à être confirmé, il s’agirait d’un tournant dont les conséquences restent encore difficiles à évaluer. En attendant l’épilogue de ce bras de fer, BDM ouvre une série en cinq volets consacrée aux prétendants hypothétiques au trône laissé vacant par Chrome. Ces outsiders, d’Arc à Firefox, qui tentent de se faire une place sur un marché écrasé, depuis 2008, par le « Big browser ». Chacun avec leurs atouts.
Pour cet avant-dernier épisode, cap sur Safari, le navigateur imposé historiquement par Apple, et qui suit sa propre boussole.
Safari, un navigateur qui suit sa propre boussole
« Think different ». Comme l’exprime l’un des slogans les plus marquants de l’histoire de la publicité, Apple ne fait jamais comme les autres. Et ce n’est pas Safari, son navigateur web, qui va déroger à la règle !
Un parti pris franc et assumé
D’abord, Safari est uniquement disponible dans l’écosystème Apple, à l’inverse des autres navigateurs web, multiplateformes. Lancé le 7 janvier 2003, Safari a remplacé feu Internet Explorer, qui était jusqu’alors installé par défaut sur les Macs. Et, déjà à cette époque, les liens avec Google étaient solides, puisque Safari intégrait une fenêtre de recherche Google au sein même de son interface « pour des recherches rapides et pratiques à l’aide du moteur de recherche web le plus utilisé » expliquait Apple.
Safari se démarque également sur le plan technique. En effet, le navigateur web repose sur WebKit, un moteur de rendu développé en interne, basé sur le projet open source KHTML. À l’inverse, la plupart des concurrents se basent sur Blink : Google Chrome, Microsoft Edge, Arc, Brave, Opera…
Un succès indéniable, mais facilité
Alors qu’il est disponible uniquement dans l’environnement Apple, Safari est le 2e navigateur web le plus utilisé dans le monde en 2025, avec 17 % de part de marché tous supports confondus. Un chiffre qui grimpe à plus de 21 % sur mobile, le classant derrière Chrome (69 % de part de marché), mais loin devant les autres acteurs, la 3e position étant occupée par Samsung Internet, avec 3,5 % de part de marché seulement.
Un succès certain, mais aussi très probablement assuré par sa position de navigateur par défaut sur l’ensemble des appareils Apple. Que ce soit sur iPhone, Mac ou même iPad, Safari est déjà là, et ne demande plus qu’à être exploité ! D’ailleurs, jusqu’en 2020, il était tout bonnement impossible de changer de navigateur par défaut sur l’iPhone. Mais, au-delà de cette intégration, Apple propose aussi une expérience fluide, moderne et simplifiée avec Safari. Résultat : changer de navigateur demande un effort que peu d’utilisateurs consentent à fournir.
Et une fois que l’on a pris l’habitude d’utiliser Safari, difficile de s’en défaire : léger, rapide, parfaitement intégré dans l’écosystème Apple (iCloud, trousseau de mots de passe, fonctionnalité Handoff, Apple Pay…), il coche suffisamment de cases pour qu’on s’en contente, et même qu’on l’apprécie !
Chez Apple, notre objectif n’est pas seulement de créer une app ou une fonctionnalité, mais de faire en sorte que les utilisateurs aient un réel attachement pour cette app ou fonctionnalité.
Safari, ou l’art du faire peu mais bien
Safari s’inscrit parfaitement dans l’ADN d’Apple : il est minimaliste, élégant et intuitif. Sa position particulière – au cœur de l’écosystème d’Apple – lui permet de proposer des fonctionnalités exclusives, et une intégration quasi parfaite avec les autres produits. À condition, bien sûr, qu’ils arborent une belle pomme.
Un navigateur pensé pour gagner du temps
Apple l’affirme : « Safari est le navigateur le plus rapide au monde ». Il est nettement moins gourmand que Chrome en termes de ressources (RAM). Côté autonomie, le match est encore plus net : Safari consommerait jusqu’à 50 % de batterie en moins que Chrome sur Mac. Cela s’explique facilement : Apple a uniquement besoin de se concentrer sur l’optimisation sur ses propres appareils, là où les autres navigateurs font face à de multiples cas d’usage.

Safari propose également des fonctionnalités très pratiques pour optimiser son temps, telles que :
- Personnalisation poussée : Safari propose un degré de personnalisation élevé, avec des options dans la barre d’outils, des groupes d’onglets, des favoris, des thèmes…
- Note rapide : lorsque vous lisez un article, vous pouvez sélectionner un passage et créer une note rapide dans votre application Notes, avec un seul clic droit.
- Profils multiples : il est possible de créer plusieurs profils pour séparer vos favoris, historiques professionnels et personnels.
- Mode Handoff : permet de synchroniser tous les appareils Apple entre eux. Il est par exemple possible d’ouvrir une page web depuis son ordinateur et de poursuivre la lecture sur son iPhone ensuite.
- Sans oublier les groupes d’onglets, le détourage d’image en un clic, le mode lecture…

La confidentialité des données, une priorité
Avec Safari, Apple met également un point d’honneur à protéger la vie privée de ses utilisateurs. Dès 2017, le navigateur web a fait le choix de bloquer les cookies tiers, via l’Intelligent Tracking Prevention et ainsi rendre le fingerprinting plus complexe.
D’autres fonctionnalités ont également été mises en place pour assurer la sécurité des utilisateurs et de leurs datas, notamment :
- Rapport de confidentialité : à chaque instant, vous pouvez obtenir un résumé des traqueurs bloqués par Safari sur les différents sites visités.
- Gestionnaire de mots de passe : Safari peut enregistrer vos mots de passe et vérifier qu’ils n’ont pas été compromis.
- Contrôle des distractions : vous pouvez masquer tous les éléments que vous souhaitez sur une page web, pour simplifier la lecture. Et cela fonctionne également pour les encarts publicitaires ou les bannières de cookies. Une fonction très pratique, impensable pour les navigateurs qui vivent des revenus publicitaires.
- Link tracking protection : Safari peut supprimer les UTM des liens pour éviter le tracking publicitaire.
- Sans oublier la navigation privée, le verrouillage des onglets privés, les passkeys…

Safari, la force tranquille
Mais voilà, si Apple a tout pour séduire, il ne s’adresse qu’à une partie de la population. C’est pourquoi Safari évolue lentement. Très lentement. À l’heure où Chrome, Firefox, et même Microsoft Edge enchaînent les mises à jour tous les mois, Safari reste dans l’ombre. La plupart du temps, le navigateur web d’Apple a droit à une mise à jour annuelle, lors de la sortie de la nouvelle version d’iOS.
Et pour cause : Safari n’est pas vraiment un produit de rente pour Apple. Contrairement à Google, qui tire une large partie de ses revenus de la publicité et du tracking, la firme de Cupertino n’a aucun intérêt à pousser son navigateur comme un canal publicitaire. Résultat : pas de pression commerciale, pas de course à la monétisation. Et cela lui permet aussi de proposer des fonctionnalités assez audacieuses, comme le contrôle des distractions ou la suppression des UTM.
Finalement, Safari est davantage une brique supplémentaire qu’un mur porteur pour Apple : il est là pour améliorer l’expérience des utilisateurs, pas pour générer des revenus. Ce qui n’empêche pas Apple d’encaisser, le chèque annuel de Google — à hauteur de 20 milliards de dollars en 2022 – pour favoriser son moteur de recherche.
Vers une navigation en eaux troubles ?
Le long fleuve tranquille de Safari pourrait bientôt se transformer en tempête. Car, si c’est bien Google qui est sur le banc des accusés actuellement, Apple fait indirectement partie du problème.
En effet, parmi les pratiques reprochées à Google, on retrouve les accords exclusifs signés avec différents acteurs – dont Apple – pour placer le moteur de recherche de Google par défaut dans Safari, et ce, sur tous les appareils Apple. Un partenariat aussi discret que lucratif : selon Bloomberg, rien qu’en 2022, Apple aurait touché 20 milliards de dollars de la part de Google, soit près de 18 % de ses bénéfices annuels.
Face à la menace d’une suspension d’accord pour au moins 10 ans, Apple estime qu’il risque un « préjudice irréparable ». L’entreprise a donc tenté d’intervenir dans le procès en déposant une première requête d’urgence le 23 décembre 2024, afin de participer au procès et défendre ses intérêts. Après un premier refus, l’entreprise a effectué une seconde requête le 30 janvier 2025, qui s’est également soldée par un échec. La raison ? Apple a mis trop de temps à se positionner. Verdict : l’entreprise est contrainte au silence, au même moment où la justice américaine discute de l’avenir d’un partenariat qui alimente une part significative du business d’Apple.
Si la justice venait à trancher dans le mauvais sens pour Google – et donc pour Apple – la firme à la pomme serait donc obligée d’imaginer de nouvelles stratégies pour combler un manque à gagner important. Et si Apple n’envisage pas de développer un moteur de recherche maison pour le moment, il pourrait finalement bien y être contraint.
Un moteur de recherche viable nécessiterait la création d’une plateforme de publicité ciblée, ce qui n’est pas le cœur de métier d’Apple. […] De plus, le développement d’un tel service devrait être mis en balance avec les engagements historiques d’Apple en matière de confidentialité, justifiait Eddy Cue, vice-président senior des services et logiciels chez Apple, dans la requête d’urgence.
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