Révolution mobile : « le smartphone nous donne des superpouvoirs »
Remarqué pendant le récent Web2day avec sa conférence « #MobileRevolution : Comment le mobile change l’homme », Alexandre Jubien est consultant indépendant chez ThinkMobile. Il revient pour nous dans cette interview sur cette conférence, et sur le rôle du mobile dans notre quotidien. Un sujet qu’il connait bien, puisqu’il a commencé à travailler dans ce domaine en 2003, avant de créer une start-up en 2005 et de diriger les activités mobiles de Deezer et Viadéo. Entre extension de notre corps et addiction, transhumanisme et opportunités pour les marques, il revient pour nous sur notre rapport au mobile.
Le mobile a pris une place prépondérante dans nos vies ces dernières années. A quel point et avec quel impact ?
Le mobile est une extension de notre cerveau. Des études montrent que les gens ne pensent plus de la même manière s’ils ont leur mobile avec eux ou s’ils ne l’ont pas. C’est quelque chose de l’ordre de l’organique, de l’extension du corps, qui change notre manière d’être. C’est encore plus vrai chez les jeunes générations. Batterie, wifi et réseau sont devenus trois éléments fondamentaux dans notre vie quotidienne. Cela n’a pris qu’une dizaine d’années pour que ce phénomène s’impose à une échelle planétaire. Le constat est ainsi le même dans les pays en développement, qui sont passés directement au mobile sans passer par la case Internet sur PC. C’est également multigénérationnel, touchant les jeunes comme les personnes âgées.
D’où vient l’addiction pour le smartphone qui est couramment montrée du doigt ?
Je ne mets pas le mobile dans la catégorie des addictions psychologiques. Si on en parle comme d’une extension du corps, comme d’un élément organique, le manque généré par son absence devient logique : s’en passer est douloureux. Le smartphone nous permet d’augmenter nos capacités, il nous donne des superpouvoirs. Le premier d’entre eux a été la transmission de pensées, sous la forme d’appels ou de SMS. Beaucoup de services addictifs sont justement des applications sociales ou de communication, qui nous permettent d‘être en communication par la pensée. L’addiction nait du fait que nous ne sommes pas prêts de revenir en arrière. Se passer de son smartphone est handicapant.
Si ne pas avoir accès à son smartphone devient un handicap, n’y a-t-il pas un risque de devenir trop dépendant de ce dernier ?
Cela dépend de ce que l’on en fait. Le mobile marque le début du transhumanisme et des réflexions qui vont avec : si les technologies deviennent une part de nous, que devient-on quand les technologies sont out ? Si la problématique est réelle, la question est non pas de savoir si on peut s’en passer, mais si on veut s’en passer. Et la réponse est dans la grande majorité des cas est non : pour les gens qui ont goûté à cet univers connecté et à ces superpouvoirs, leur usage est souvent devenu une nécessité. C’est une chose inconsciente. Quand j’interroge des utilisateurs de smartphone, ils ne savent souvent pas expliquer pourquoi cet objet est devenu si important pour eux. Etant simplement au début de cette révolution mobile, il est bien sûr encore possible de s’en passer. Mais en extrapolant, si demain le smartphone (ou son équivalent) devient bien plus important encore dans notre quotidien, cela deviendra une problématique encore plus importante.
Comment les marques et les entreprises peuvent s’immiscer dans cette extension du corps pour offrir des services utiles et entrer en contact avec leurs consommateurs ?
Nous avons notre mobile partout et tout le temps, il nous sert à résoudre des problèmes. La dimension utilitaire est centrale. Les marques doivent pleinement tenir compte de ces facteurs dans la construction de leur présence. De même, ils doivent faire avec les notions d’instantanéité et de facilité d’utilisation, qui sont prépondérantes. Le mobile doit réduire les points de friction dans nos vies, tous ces grains de sable qui compliquent notre quotidien. Le lien entre le monde digital et le monde physique doit également être établi.
Les marques ont connu des échecs au début de l’essor du smartphone car elles ont tenté de répliquer la communication qu’elles faisaient ailleurs. Elles proposaient du brand content, des applications plaquettes où elles voulaient mettre en avant leur produit. Ce n’est pas la bonne manière de fidéliser les utilisateurs. L’application L’Oréal Make Up Genius est un exemple de bonne pratique. Elle permet de réaliser des sessions de maquillage en réalité augmentée. On est vraiment dans l’utilitaire, et c’est aussi de l’ordre du superpouvoir avec la prédiction de ce que donnera un maquillage sur la peau. L’application doit être un compagnon du service ou un coach, quelle que soit l’industrie concernée. Ce n’est pas le métier de base des entreprises, qui doivent créer du service, et non plus simplement proposer un produit.
Pourquoi les entreprises devraient-elles pénétrer un domaine qui n’est pas leur cœur de métier ? N’est-ce pas plutôt le rôle des starts-ups ?
Les start-ups sont globalement meilleures que les marques pour le moment dans ce domaine. La vraie question est : « quel est le superpouvoir que votre appli donne à ses utilisateurs ? ». Toutes les start-ups qui ont offert une sorte de superpouvoir ont connu un succès mondial : Shazam, Snapchat, Waze… Si votre proposition n’est même pas de l’ordre du pouvoir, le succès risque d’être compliqué. C’est une bonne grille de lecture pour juger l’intérêt de son produit.
Le mobile est l’appareil le plus personnel de tous les temps. Nous sommes passés d’un monde centré sur les marques à un monde centré sur soi. Le smartphone comme les médias sociaux incarnent cet état de fait. Les gens deviennent étanches aux marques, pour qui il devient très difficile d’exister. La publicité, notamment télé, a connu une grande efficacité qui tend à baisser drastiquement. Le marketing le plus efficace repose désormais sur le contenu de marque, à travers l’inbound marketing. Le mobile peut bénéficier de cette tendance. Mais pour cela, les marques doivent intégrer la notion de service et d’utilitaire, qui sont les conditions sine qua non du succès. Le contenu seul ne fonctionnera pas sur mobile. L’opportunité est belle pour les entreprises si elles respectent les règles du jeu.
La présentation complète d’Alexandre Jubien sur le sujet :
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