MUVERA et GFM : ce que Google prépare pour le futur du SEO
Google fait évoluer son moteur avec MUVERA et les Graph Foundation Models, deux technologies qui renforcent la compréhension sémantique et relationnelle du Web.

Ces dernières semaines, Google a dévoilé deux évolutions structurelles de son moteur de recherche, susceptibles de modifier en profondeur la manière dont l’information est sélectionnée, structurée et interprétée. D’un côté, MUVERA, un nouvel algorithme de récupération multi-vecteurs, vise à améliorer la rapidité et la précision des résultats. De l’autre, les Graph Foundation Models introduisent une approche inédite pour modéliser les relations complexes entre données, avec des implications potentielles bien au-delà du classement des pages.
Voici ce qu’il faut savoir sur ces deux systèmes, et ce que cela implique pour les professionnels du SEO.
MUVERA : un nouvel algorithme pour améliorer la pertinence des résultats
Une nouvelle approche pour sélectionner les bons contenus
MUVERA (Multi-Vector Retrieval via Fixed Dimensional Encodings) est un nouvel algorithme conçu pour améliorer la manière dont Google récupère et trie les pages Web avant de les classer dans ses résultats de recherche. Il a été dévoilé par la firme le 25 juin 2025. Google pourrait avoir commencé le déploiement de MUVERA lors de la mise à jour de juin — cela coïnciderait avec le timing de l’annonce — mais on ne peut exclure que MUVERA ait été intégré avant même la Core Update, comme cela a déjà été fait par le passé pour d’autres technologies.
Traditionnellement, Google représente chaque page ou requête par un vecteur unique pour évaluer la pertinence entre ce que l’utilisateur cherche et ce que les pages proposent. Mais ces dernières années, des modèles dits multi-vecteurs ont émergé : au lieu d’un seul vecteur, une page est décrite par plusieurs, souvent un vecteur par mot ou segment. Problème : cette méthode, plus précise, est également beaucoup plus lourde à traiter.
MUVERA vise à remédier à cela. Pour ce faire, l’algorithme propose un compromis : il condense ces multiples vecteurs complexes en un seul vecteur optimisé, appelé FDE (Fixed Dimensional Encoding). Celui-ci permet à Google de retrouver plus rapidement les contenus les plus pertinents, tout en conservant une grande précision. Les documents moins utiles ou hors sujet sont plus facilement écartés dès la phase de récupération.
Marie Nové, consultante SEO et responsable pour le marché français chez SISTRIX, résume : « Historiquement, le moteur de recherche s’appuyait sur la correspondance de mots-clés et des systèmes sémantiques plus lourds, comme les premières implémentations de BERT. Avec MUVERA, Google bascule vers une compréhension sémantique ultra-rapide et à grande échelle. Grâce à son encodage par dimensions fixes (FDE), il convertit les requêtes et les documents en représentations numériques compactes qui capturent le sens profond, bien au-delà des mots exacts. »
Dans l’exemple ci-dessous, Google présente la façon dont MUVERA encode une requête (« Quelle est la taille du mont Everest ? »). Plutôt que de transformer la phrase entière en un seul vecteur, MUVERA décompose la requête en plusieurs composants sémantiques, qu’il répartit dans différentes dimensions de sens. Le même encodage est appliqué aux documents, en moyennant les vecteurs au lieu de les additionner.
Pour Marie Nové, MUVERA constitue ainsi une évolution centrale dans la manière dont Google traite et comprend l’information :
Le changement majeur est là : Google peut désormais décrypter l’intention réelle de l’utilisateur et la faire correspondre à la signification intrinsèque des contenus, avec une vitesse et une précision sans précédent. On passe d’une « recherche de mots » à une véritable « compréhension d’intention », à l’échelle du web entier.
Ce que MUVERA change concrètement pour le référencement
Google affirme que MUVERA permettrait de récupérer jusqu’à 20 fois moins de documents pour un même niveau de pertinence, tout en réduisant drastiquement le temps de traitement. À terme, l’objectif est d’affiner la qualité des résultats proposés, sans bouleverser visiblement l’ordre établi. Pour les médias et créateurs de contenu en ligne, le changement pourrait marquer un tournant structurant : Google deviendrait plus sélectif dès l’étape où il choisit quelles pages méritent d’être classées, avant même d’évaluer leur position.
Pour Sylvain Peyronnet, expert SEO et cofondateur de la société Babbar, éditrice de l’outil YouTextGuru, MUVERA fait le ménage parmi les contenus de mauvaise qualité, mais « n’introduit aucun nouveau signal de ranking » et « ne change donc pas les bonnes pratiques du SEO ».
On peut penser que les requêtes longue traîne donneront de meilleurs résultats, mais aussi que les contenus avec une structure complète pour adresser tout un sujet seront valorisés plus facilement.
En tout cas, il y a vraiment un intérêt à augmenter encore la pertinence des contenus […] Il faut vraiment prendre en compte l’EEAT comme étant maintenant un critère important, ainsi que la structuration « physique » des contenus, indique Sylvain Peyronnet.
Une analyse à laquelle souscrit Marie Nové, qui estime que MUVERA renforcera encore davantage les sites qui appliquent les recommandations de Google.
Pour les sites à forte valeur ajoutée, profonds et dotés d’une sémantique riche et cohérente, l’impact sera positif : MUVERA les identifiera plus facilement comme les meilleures réponses aux intentions complexes. En revanche, pour les contenus superficiels, générés sans réelle valeur ajoutée ou qui tentent de jouer uniquement sur le bourrage de mots-clés, la visibilité risque de chuter drastiquement.
Avec l’arrivée de MUVERA, SISTRIX prévoit une baisse de visibilité pour les pages profondes ou peu qualitatives, tandis que les contenus experts, denses et solidement construits pourraient gagner en position, même sans fort netlinking. De fortes fluctuations sont attendues sur les requêtes à forte intention, au profit des sites reconnus comme autorités. Pour s’adapter, Marie Nové recommande :
- De produire des contenus exhaustifs et bien structurés autour de clusters thématiques, avec une richesse lexicale et sémantique forte.
- De soigner le maillage interne en créant des liens logiques et pertinents qui renforcent la structure du site.
- De cibler les intentions de recherche plutôt que les mots-clés, en couvrant les différentes phases du parcours utilisateur, notamment via la longue traîne.
Graph foundation models : une nouvelle façon de comprendre les données en réseau
Avec les Graph Foundation Models, Google cherche à comprendre les relations
Le second changement annoncé par Google, bien que moins visible pour les utilisateurs, pourrait profondément modifier la manière dont le moteur de recherche comprend et organise ses données en interne. Il s’agit des Graph Foundation Models (GFM), présentés en juillet 2025. Ces modèles sont conçus pour apprendre à partir de données complexes représentées sous forme de graphes, c’est-à-dire des réseaux de relations entre différentes entités.
Dans ce type de représentation, chaque entité (comme un produit, une personne ou un lieu) devient un « nœud », et les relations entre ces entités (par exemple, « travaille pour », « acheté avec », « appartient à ») forment les connexions entre les nœuds. Ces graphes permettent au modèle de repérer des liens profonds et parfois invisibles dans les données. Par exemple, au lieu de simplement savoir qu’un produit appartient à une catégorie, le système peut aussi comprendre comment ce produit est lié à d’autres, via une chaîne de relations, comme les habitudes d’achat des utilisateurs ou les avis laissés sur des produits similaires.
Ce qu’il faut comprendre : Google exploite déjà son Knowledge Graph. Les GFM sont la prochaine génération, capable d’analyser et d’inférer des informations à partir de milliards de connexions (pages, entités, utilisateurs, liens). Ils apportent une intelligence « relationnelle » qui peut identifier des structures cachées et des signaux d’autorité ou de manipulation, détaille Marie Nové.
L’objectif de Google ici est ambitieux : créer un seul modèle capable de s’adapter à n’importe quelle structure de données, même jamais vue auparavant. À la manière des modèles de fondation dans le traitement du langage (comme Gemini), les GFM sont entraînés à très grande échelle pour extraire du sens, repérer des patterns et faire des prédictions sur des graphes totalement nouveaux, sans nécessiter de réentraînement. Sylvain Peyronnet illustre : « Ce n’est pas forcément simple à appréhender, mais on peut imaginer, par exemple, un modèle qui encoderait tout le graphe des routes en France. Avec un tel modèle, on pourrait facilement poser des questions pour planifier des trajets, comprendre les mouvements de personnes, etc. Pour la publicité, le graphe prend en compte annonces, comptes annonceurs, landing pages, signaux utilisateurs, pénalités déjà données, etc. Et en analysant les liens entre les objets, des patterns émergents qui permettent de trouver les spammeurs. »
Ainsi, les GFM sont complémentaires à MUVERA. Marie Nové précise : « Là où MUVERA excelle dans la compréhension du sens d’un texte, les GFM se spécialisent dans la compréhension des liens et des motifs au sein de vastes graphes de données […] Les GFM marquent le passage à un SEO où la qualité des relations et la crédibilité de votre empreinte numérique sont aussi vitales que la pertinence sémantique du contenu. »
Dans le schéma ci-dessous, présenté par Google, on distingue la façon dont un Graph Foundation Model est d’abord entraîné sur des graphes issus de bases relationnelles, puis utilisé pour analyser de nouveaux graphes jamais vus. Le modèle apprend des représentations transférables, capables de s’adapter à n’importe quelle structure ou tâche, sans être réentraîné à chaque fois.
Graph foundation models : les effets attendus sur le SEO
Dans l’écosystème de Google, où une grande partie des signaux de pertinence, d’autorité ou de confiance repose sur des relations entre entités — qu’il s’agisse de pages, de produits, de personnes ou de concepts — l’usage des Graph Foundation Models ouvre la voie à une compréhension plus fine et plus contextuelle de ces interactions. Plutôt que de traiter ces éléments comme des unités isolées ou simplement liées par des mots-clés, Google pourrait modéliser leurs connexions à une échelle et une granularité inédites.
À court terme, les GFM seront utilisés en interne, notamment dans les systèmes de lutte contre le spam, les recommandations dans Google Ads ou le classement d’informations structurées. Mais à plus long terme, ils pourraient redessiner la façon dont l’information est reliée, interprétée et priorisée sur l’ensemble du Web.
Sur le long terme les GFM sont des game changers pour Google. Ils permettent de résoudre des problèmes qui étaient patchés avec les fameux twiddlers (des modules manuels ou semi-automatiques ajoutés pour affiner localement le classement des résultats, ndlr). Dans le futur, des signaux qui étaient assez diffus jusqu’ici vont pouvoir être mieux estimés, comme l’EEAT, la qualité des contenus, ou encore la notion de source d’actualité, explique Sylvain Peyronnet.
Pour les professionnels, certains impacts concrets sont à prévoir. Marie Nové envisage notamment les évolutions suivantes :
- La fin des stratégies de netlinking artificielles : seuls les liens naturels, contextuels et issus de sources fiables conservent de la valeur.
- Le renforcement de l’E-E-A-T : l’expertise, l’autorité et la réputation des auteurs deviennent des critères déterminants.
- Le rôle central de l’architecture et du maillage interne : la structure du site doit refléter clairement les relations sémantiques entre les contenus.
- Le poids accru de la co-citation et de la cooccurrence : les simples mentions dans un environnement thématique pertinent participent au renforcement du positionnement.

Marie Nové, Country Manager France chez SISTRIX
Marie Nové est Country Manager France chez SISTRIX, où elle développe la notoriété de la marque, conçoit des campagnes adaptées au marché français et collabore avec des experts, des agences et des freelances. Elle possède plus de sept ans d’expérience en tant que Content Manager et consultante SEO.

Sylvain Peyronnet, Co‑fondateur et CEO de Babbar (et yourtext.guru)
Sylvain Peyronnet est expert en SEO, en algorithmie et en science des données depuis plus de 20 ans, et ancien professeur universitaire. Co-fondateur de Babbar, il conçoit des outils d’analyse avancée pour le référencement, en s’appuyant sur une approche scientifique et technique du web.