Réseaux sociaux : les mauvaises pratiques des influenceurs épinglées par l’UE
La Commission européenne s’est penchée sur les pratiques d’influence commerciale de 576 influenceurs, dans une opération contre les abus nommée « coup de balai ».
Sur le plan législatif, la France est un bon élève en Europe sur le sujet de l’influence à but commercial. En juin 2023, une première loi était adoptée, mettant en place un cadre clair pour cette pratique en ligne de plus en plus commune. La France a interdit la promotion de certains biens et services, obligé les influenceurs à mentionner clairement un contenu réalisé en partenariat avec une marque et commencé à sanctionner les mauvaises pratiques, avec des amendes et en exposant les créateurs concernés.
Mais avec la démocratisation de l’influence commerciale, la multiplication des créateurs et des plateformes, l’activité reste encore mal encadrée, notamment en Europe. Alors que le DSA doit entrer en vigueur en février 2024 – un nouveau règlement européen pour les acteurs du web, dont les plateformes sociales – et devrait contraindre les grands réseaux sociaux à plus de vigilance quant au contenu publié, l’Union européenne tarde encore à encadrer l’influence. Et une enquête de la Commission européenne vient de démontrer que les mauvaises pratiques en la matière sont encore légion.
Un « coup de balai » de la Commission européenne chez les influenceurs
Dans cette enquête, dont les résultats ont été rendus publics le 14 février 2024, la Commission européenne a scruté les publications de 576 influenceurs, en coopération avec 22 États membres, ainsi que l’Islande et la Norvège.
Ces 576 influenceurs sont actifs sur la plupart des plateformes : 572 le sont sur Instagram, 334 sur TikTok, 224 sur YouTube, 202 sur Facebook, 82 sur X, 52 sur Snapchat et 28 sur Twitch. 82 d’entre eux comptent plus d’un million de followers, 301 plus de 100 000 et 73 entre 5 000 et 100 000. Ils évoluent dans des domaines aussi variés que la mode, l’art de vivre, la beauté, l’alimentation, les voyages et le fitness/sport.
Cette opération, baptisée « coup de balai », avait pour objectif « de vérifier si les influenceurs signalent leurs activités publicitaires comme l’exige le droit de l’Union en matière de protection des consommateurs ». Et le constat est loin d’être rassurant.
Des influenceurs pas si responsables ?
Parmi les 576 influenceurs concernés par l’enquête, 97 % ont publié des contenus à but commercial, mais « seulement 20 % ont systématiquement signalé qu’il s’agissait d’une publicité ». 38 % n’ont pas non plus utilisé les mentions spécifiques mises à disposition par les plateformes, leur permettant de signaler qu’une publication est sponsorisée, comme le bouton Partenariat payant disponible sur Instagram. Les influenceurs concernés ont plutôt opté pour des mentions trop vagues, telles que « collaboration » pour 16 % d’entre eux, « partenariat » (15 %) ou une « formule générique grâce à la marque partenaire » (11 %).
Parmi les bons élèves, le rapport note que 40 % « des influenceurs dont les publications ont été analysées ont rendu le signalement visible tout au long de la communication commerciale ». Et 34 % l’ont rendu « immédiatement visible sans qu’il soit nécessaire de passer par des étapes supplémentaires », comme scroller une page ou devoir appuyer sur un bouton de type Lire plus.
Malgré tout, l’activité commerciale de ces influenceurs reste mal renseignée. Si 78 % d’entre eux exercent une activité commerciale, seuls 36 % sont enregistrés en tant que professionnels au niveau national. Pis encore, 30 % n’ont fourni « aucune coordonnée d’entreprise » dans leurs publications. Pourtant, 40 % de ces influenceurs ont promu leurs propres produits et marques et 44 % d’entre eux disposent de leur propre site web pouvant servir de point de vente. Mais ils sont 60 % à n’avoir pas systématiquement, « voire pas du tout », divulgué l’aspect publicitaire de leurs contenus en promouvant leurs produits.
Quelles suites va donner la Commission européenne à ces mauvaises pratiques ?
Les résultats de l’opération « coup de balai » de la Commission européenne prouvent qu’il est nécessaire de « disposer d’une législation moderne et solide, propre à garantir l’équité numérique pour les consommateurs en ligne ». L’instance ne va donc pas se contenter de constater les mauvaises pratiques. 358 influenceurs sur les 576 vont faire l’objet d’une enquête approfondie. 119 sont d’ailleurs considérés comme promouvant « des activités malsaines ou dangereuses, telles que la malbouffe, la consommation de boissons alcoolisées, des traitements médicaux ou esthétiques, les jeux d’argent et de hasard ou des services financiers tels que le trading sur cryptomonnaies ».
Ainsi, les 358 influenceurs coupables de mauvaises pratiques vont être contactés par « les autorités nationales (…) pour leur demander de respecter les règles en vigueur. D’autres mesures répressives pourront être prises si nécessaire, conformément aux procédures nationales », précise la Commission européenne. Celle-ci analysera en parallèlement les résultats de son enquête « à la lumière des obligations des plateformes » au titre du DSA.
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