Comment entretenir une marque employeur convaincante auprès des développeurs

Sur les métiers en tension, ceux pour lesquels les entreprises peinent à recruter, la marque employeur joue un rôle essentiel. Au-delà des critères très techniques, l’image d’un employeur auprès d’une communauté de professionnels peut faire la différence. Au Web2day, Alban Dumouilla (ex-CTO du NUMA) a animé une table ronde sur le sujet avec trois personnes confrontées à ces problématiques : Nadiya Shur, MarCom Director de Fabernovel Technologies, Jean Lebrument, CTO de Brigad et Nicolas Baron, CTO de Meilleurs Agents. Voici les principaux enseignements que nous pouvons tirer de leur expérience sur ce sujet.

developpeur

La relation entre les services RH et technique est essentielle

On s’accorde sur le fait qu’au début, les startups gèrent leurs recrutements en autonomie. Les premiers membres du projet en recrutent d’autres, sans l’appui d’un service RH. “Quand on atteint un fort volume de recrutement – à partir de 10 embauches par an dirons-nous – on ne peut plus le faire sans service dédié. L’appui d’un spécialiste du recrutement permet de se décharger d’une responsabilité, bien que les binômes métier/RH jouent un rôle essentiel dans la réussite des recrutements” souligne Nicolas Baron. Le fait de structurer ses recrutements permet aussi de mettre à plat les process et “d’uniformiser les process dans l’ensemble des équipes” selon Jean Lebrument.

Dans les faits, les liens entre les services RH et technique peuvent se traduire de plusieurs façon. Chez Fabernovel Technologies, les développeurs ont commencé par écrire les annonces ; “car séduire dès l’offre d’emploi, c’est essentiel”. Ils ont rédigé des annonces plus longues que ce qu’aurait fait un professionnel RH, c’était plus détaillé, mais aussi sur un ton plus détendu. Les résultats ne se sont pas fait attendre : les candidatures ont été bien plus nombreuses et qualitatives. “Pour la marque employeur, il est important que la plume technique soit visible et que les langages soient les mêmes. Afin que le process soit cohérent, les candidats échangent avec les experts techniques dès le premier entretien”.

Nicolas Baron insiste aussi sur les arguments des entreprises : “il faut en finir avec la culture ping pong ou baby foot et arrêter de vanter l’intérêt du toboggan pour descendre en salle de pause. La qualité des locaux a un impact mais il faut du contenu plus ambitieux, plus intéressant pour convaincre un développeur. Travaillez les missions, le projet, suscitez l’intérêt. Les structures à forte croissance attirent, qu’on soit féru de tech ou du produit. L’intérêt des projets développés concerne tous les métiers, en particulier les seniors qui ont besoin de quelque chose en plus qu’un simple challenge technique”.

Les principaux vecteurs de la marque employeur

Afin d’entretenir la marque employeur, plusieurs canaux existent. Chez Fabernovel Technologies, on s’appuie sur un blog, sur des meetups et on soutient les initiatives des développeurs. Sur le blog, “les collaborateurs sont encouragés à rédiger du contenu, validé en amont par les pairs. Certains freins existent, des développeurs ont peur de ne pas rédiger du contenu intéressant. On le teste d’abord en interne pour motiver les personnes. Et pour que l’argument “désolé je n’ai pas le temps” ne tienne pas, on dégage du temps (et des ressources) aux collaborateurs qui s’investissent pour que ce temps consacré à l’entreprise n’empiète jamais sur leur temps personnel”.

Jean Lebrument rejoint la MarCom Director de Fabernovel Technologies sur ces points et conseille aux entreprises d’investir les communautés de développeurs déjà constituées. “Chez Brigad, on s’est également investi dans le développement d’une technologie open source. Ce choix n’a pas permis d’augmenter les candidatures mais l’intérêt des candidats en entretien était clairement palpable, ils étaient convaincus : nous avions réussi à faire la différence avec nos concurrents sur le marché de l’emploi”.

Le rôle de la cooptation dans le recrutement des développeurs

On parle souvent de la communauté des développeurs. Ce mot n’est pas anodin : on est sur un marché de l’emploi relativement restreint, où il n’est qu’à peine exagéré de dire que “tout le monde se connaît”. Ce lien important entre ces professionnels et le contexte de tension sur le marché de l’emploi encourage logiquement la cooptation dans les entreprises. Dans certaines entreprises, les primes accordées atteignent des sommets : “30 000 euros pour un développeur chez HubSpot” selon Alban Dumouilla, et “10 000 chez certains GAFAM”. Au-delà de ces chiffres un peu fous, comment les entreprises peuvent encourager leurs collaborateurs à coopter leurs pairs ?

“Chez Brigad, plus de la moitié de l’équipe est issue de la cooptation. Cela s’explique aussi car nous sommes petits, nous avons peu de budgets, nous recrutons principalement des juniors. On crée des équipes jeunes mais à fort potentiel. C’est moteur, mais cela a aussi un effet “clanique” pervers. Des groupes soudés peuvent se former, mais ils auront parfois du mal à collaborer avec les autres groupes ; et les éléments “externes” auront également du mal à s’intégrer”. Le CTO de Meilleurs Agents rappellent aussi que la cooptation n’est pas anodine pour celui qui coopte. “Le salarié engage sa responsabilité auprès de ses pairs, ils prennent un risque et certains ne le veulent pas. Nos RH travaillent en lien étroit avec les développeurs afin de repérer les profils connus. Et on va plus loin : lorsqu’on recrute une personne et qu’un lien est identifié avec un salarié (ancien collègue, ancien condisciple…), on accorde une prime au salarié même si celui-ci n’a pas directement présenté le candidat. On estime que le salarié a joué un rôle dans le recrutement en parlant de l’entreprise et en donnant envie au candidat de nous rejoindre”.

Nadiya Shur conseille également aux recruteurs d’observer l’évolution du taux de personnes cooptées, d’année en année : “on peut ainsi juger de l’engagement des salariés dans les processus RH, c’est un indicateur important pour jauger la culture d’entreprise”

L’authenticité est essentielle pour transformer l’essai

Après avoir attiré et convaincu les candidats, les entreprises sont unanimes : il faut les fidéliser. Sur la problématique de la rétention des talents, les interlocuteurs sont unanimes : l’alignement entre la culture d’entreprise et la communication marque employeur est essentielle. L’idée n’est pas de mentir au candidat, vous ne devez pas lui vendre un rêve en entretien et lui offrir une réalité bien moins reluisante sur le terrain. D’ailleurs, comme l’a très justement souligné Lucie Debeaumorel (Happy to meet you) lors des échanges avec les interlocuteurs, cette distorsion entre la communication externe et la réalité interne peut créer des frictions avec les collaborateurs qui “ne se retrouvent pas” dans la marque employeur assumée par les services RH. La transparence est très importante à ce sujet. Pour éviter cet écueil, Nadiya Shur rappelle qu’il faut commencer par dresser l’état des lieux de la culture d’entreprise avant de travailler sa mise en avant en externe (et non l’inverse). Nicolas Baron propose quant à lui de bien impliquer les collaborateurs dans les process (rédaction des offres d’emploi, des billets de blog etc.) car la communication marque employeur passe également par ces canaux.

Sur la rétention des talents, les intervenants rappellent aussi que la proposition de carrière joue un rôle et doit être réfléchie. On ne peut pas promettre à tout le monde que dans deux ans, tout le monde sera manager. D’ailleurs, beaucoup ne le veulent pas et préféreront devenir des experts techniques dans leur domaine. Valoriser les talents en interne et en externe, en évitant la paranoïa liée à la chasse, peut renforcer le sentiment d’appartenance à la “communauté de l’entreprise”.

Bien gérer les départs pour ne pas détériorer sa marque

Dernier sujet sensible évoqué au Web2day : la gestion des départs, qu’il s’agisse de licenciements, de démissions ou de ruptures conventionnelles. Il s’agit d’un moment à ne pas négliger, sous peine de voir sa marque employeur dégradée. “L’ambassadeur peut ainsi se transformer en détracteur, et une personne mécontente en parle à beaucoup d’autres personnes”. Si ces paroles sont publiques, la MarCom Director de Fabernovel Technologies conseille d’y répondre factuellement et calmement. Elle rappelle également qu’un trop grand décalage entre la communication RH et la culture d’entreprise peut entraîner des départs compliqués, étant donné la déception des salariés qui s’en vont.

Enfin, selon Jean Lebrument, “le désalignement entre un salarié et une entreprise est possible : le fait de ne plus être en phase avec son entreprise doit être géré de la manière la plus saine possible, pour éviter tout conflit. Même dans des cas compliqués (un licenciement par exemple), on doit éviter toute animosité, toute montée en pression et rester factuel dans un contexte professionnel conscrit : ce n’est pas parce qu’une personne ne répond pas ou plus aux besoins de l’entreprise que cette personne est mauvaise et cela ne signifie pas qu’elle ne sera plus jamais utile à l’entreprise. On peut aider ces personnes à se réinsérer rapidement pour que la séparation soit la plus fluide possible. En entamant ainsi la discussion et en posant des bases saines, on enlève beaucoup de non-dits et on entretient de facto notre marque employeur auprès des développeurs”.

Sujets liés :
Publier un commentaire
Ajouter un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Visuel enquête Visuel enquête

Community managers : découvrez les résultats de notre enquête 2025

Réseaux, missions, salaire... Un webinar pour tout savoir sur les CM, lundi 29 septembre à 11h !

Je m'inscris

Les meilleurs outils pour les professionnels du web