Cyberharcèlement : « la Ligue du LOL est un véritable cas d’école »
Les révélations autour de la Ligue du LOL auront eu au moins un mérite : celui de mettre en avant de nombreuses situations de cyberharcèlement et de mettre fin à la minimisation et l’impunité de ce type d’actes.
Cette forme d’attaques et d’humiliations est souvent présentée comme la version virtuelle du harcèlement scolaire. Effectivement, les moins de 20 ans, du fait de leur usage massif des réseaux sociaux, sont en première ligne pour en être victimes. Selon la chercheuse et pédagogue Catherine Blaya, cela concerne 43,5% des jeunes. Mais les actes de cyberharcèlement dépassent aussi le cadre de la cour de récréation, comme le révèle l’affaire de la Ligue du LOL.
8 procès pour cyberharcèlement en France en 2017
Selon la loi française, le harcèlement est défini par « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ». Le cyberharcèlement concerne donc ce type d’actes commis via l’utilisation d’un service de communication en ligne, comme un réseau social, une messagerie ou toute autre plateforme connectée.
Le harcèlement est un délit et peut donc faire l’objet de poursuite judiciaire. Le cyberharcèlement est considéré comme un cas de harcèlement aggravé. « Ça fait beaucoup de mal. Il y a un ‘effet cockpit’ : les victimes de harcèlement en ligne n’ont aucun lieu de répit car elles peuvent être atteintes par une attaque à tout moment, cela devient très compliqué d’avoir une vie normale » , explique Maître Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris. Depuis la loi de 2014, une personne accusée de cyberharcèlement encourt une peine de 3 ans de prison et jusqu’à 45 000€ d’amende, selon la gravité des faits. « Mais c’est extrêmement rare » , le déplore Maître Vallat. « En 2017, il n’y a eu que 8 procès pour cyberharcèlement en France. C’est encore marginal. Soit les plaintes ne sont pas prises au sérieux, soit elles sont classées sans suite car la Police Judiciaire n’a pas les moyens. » Pour l’avocat, faire de nouvelles lois n’est pas essentiel. « Il faut donner les moyens d’appliquer la justice. Or c’est ce qui manque à l’heure actuelle. »
Cyberharcèlement : des dégâts IRL
Si les actes de cyberharcèlement se font dans le monde virtuel, les dégâts sont malheureusement bien réels. Ces attaques répétées envers la personne atteignent directement l’estime de soi. Tout commence par un sentiment de honte, et puis c’est l’escalade : anxiété, stress, dépression, pensées suicidaires… Passage à l’acte dans les pires des cas.
Dans le cas de la Ligue du LOL, les actes des membres ont eu un impact sur la carrière de leurs victimes puisque certaines ont changé de profession, ou sur leurs compétences professionnelles en raison de dépression ou d’incapacité à se concentrer. « Pour les victimes c’est une double peine, elles ont vu leurs harceleurs être promu, grimper dans la hiérarchie, alors que certaines ont dû abandonner le journalisme ou souffrent de dépression.«
Lorsqu’il y a plusieurs harceleurs, c’est pire. Mais la loi du 3 août 2018 instaurée par Marlène Schiappa permet de pénaliser ce qu’on appelle à présent « l’effet de meute » , lorsque l’acte de cyberharcèlement est réalisé de manière concertée et groupée. « Cela décuple le mal que cela peut faire » , explique Maître Vallat. Grâce à cette mesure, l’instigateur principal mais aussi les complices sont poursuivis. « Il suffit d’un seul retweet d’une cyber-attaque pour que cela tombe sous le coup de la loi. »
Concernant l’affaire de la Ligue du LOL, même si la plupart des faits sont prescrits, « c’est un véritable cas d’école » , explique Thierry Vallat. « Il y a des canulars, de la provocation à la haine, des images graphiques dégradantes, de l’homophobie… tout un florilège d’infractions pénales. »
Il n’y a pas d’anonymat sur internet
Maître Thierry Vallat est intransigeant : « l’anonymat sur internet n’existe pas. Les agresseurs pensent qu’ils peuvent agir en toute impunité. Mais c’est faux. » Il existe en effet des moyens pour retrouver les auteurs.
D’une part, les réseaux sociaux collaborent davantage. Ils peuvent fournir l’adresse IP du compte qui agit sous un pseudonyme. Sur Facebook, il est possible de demander de supprimer ou signaler des publications abusives. Mais l’avocat le reconnaît : « Le réseau social le plus réticent et le moins coopératif reste Twitter. Il est plus prompte à cacher un sein qu’à supprimer un compte qui publie ouvertement des propos antisémites ou homophobes. »
La polémique autour de la Ligue du LOL a relancé le débat sur l’interdiction de l’anonymat sur internet. Pour l’avocat, « garder son anonymat est indispensable pour les victimes. De plus, sur internet, c’est un moyen, et souvent le seul, pour certaines personnes de prendre la parole sur des sujets sensibles comme l’orientation sexuelle tout en préservant leur vie privée. » Il explique qu’à moins d’être d’un hackeur ou d’utiliser un VPN sophistiqué, la Police Judiciaire dispose de moyen pour retrouver en quelques heures l’identité d’un harceleur et le porter devant la Justice.
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