À force de se copier, les réseaux sociaux ont-ils perdu leur identité ?
Dans leur lutte face aux nouveaux acteurs, les plateformes historiques semblent se résigner à diluer leurs différences. Pour quel résultat ?

LinkedIn, Teams, Instagram : tous les mêmes
Ce matin, LinkedIn annonce le lancement d’un nouvel onglet, Discover. Il permet de découvrir des contenus suggérés, publiés par des personnes que vous ne suivez pas. Comme si les posts inspirants de nos contacts ne suffisaient pas. Le réseau social professionnel a repris le nom du flux de Google, l’icône de YouTube Explorer, les principes de TikTok, et a placé tous ces contenus dans un onglet, comme sur Facebook – à une différence près : il ne s’agit pas encore du flux par défaut.
LinkedIn est ainsi devenu le dernier réseau social en date à se jeter corps et âme dans les abysses de la recommandation. Ces plateformes avaient tout misé sur les relations connues et déclarées entre leurs utilisateurs : elles s’en détournent désormais, impressionnées par les miracles de l’algorithme de TikTok.
Snapchat, en son temps, avait été un précurseur. L’application avait su attirer grâce à ses messages éphémères et ses stories. Instagram l’a rapidement copié, avec succès. Snapchat ne pouvait plus compter sur l’originalité de ses formats pour retenir ses utilisateurs, qui ont migré petit à petit vers d’autres apps.
Après la réussite, les premiers échecs
Toutes les plateformes se sont alors lancées dans la course à celle qui reproduira la première, la dernière fonctionnalité qui fait parler. Les stories ont débarqué un peu partout, et déjà, des signes de fatigue ont fait leur apparition. Twitter et LinkedIn ont rapidement fait marche arrière. Ce constat d’échec n’a pas refroidi Microsoft, qui après tout monde, a décidé d’en ajouter sur Teams, Outlook, et Yammer…
Autre exemple récent, autre échec cuisant : Instagram, évidemment. L’application, qui avait réussi en copiant Snapchat, pensait réussir à nouveau en reprenant les ingrédients de TikTok. Mais cette fois, Instagram s’est planté : la fronde de quelques influenceurs, partagée par de nombreux utilisateurs, aura eu raison de cette obsession. Ce n’est que temporaire : les Reels et les recommandations sont les deux éléments sur lesquels Adam Mosseri compte bien s’appuyer pour poursuivre le développement d’Instagram, sur les platebandes de TikTok.
Copier, au détriment de sa propre identité
À l’instar des plateformes e-commerce, qui développent des marketplaces pour proposer l’ensemble de l’offre de produits, les réseaux sociaux se copient pour proposer l’ensemble des formats et des fonctionnalités. Si cela a parfois marché, force est de constater que les réussites sont aujourd’hui beaucoup plus limitées. La faute, notamment, à un désintéressement de l’expérience de leurs utilisateurs.
Les plateformes ont dilué leurs singularités
Car à force de se copier, les plateformes n’ont plus vraiment d’identité. Instagram a d’abord bâti son succès sur une promesse forte et singulière, celle de partager des photos avec ses amis et d’y accéder facilement en retour. C’était simple. C’était pour cette raison qu’on lançait Instagram. Qu’on y retournait. Twitter, c’était la certitude d’accéder à des messages courts. La plateforme est passée de 140 à 280 caractères, et développe désormais des Notes de 2 500 mots. LinkedIn permettait de trouver du contenu professionnel, avant de se perdre dans les stories, les recommandations et les posts qui n’inspirent plus grand monde. Tout le monde ne résiste pas, évidemment : Clubhouse en a clairement fait les frais, même s’il est aujourd’hui difficile de dire quelle plateforme en a tiré un bénéfice.
Les plateformes refusent de laisser à leurs concurrents l’exclusivité d’une fonction ou d’un format. Et l’innovation est plus coûteuse à moyen terme, et plus risquée, que la copie conforme des autres fonctionnalités. À quoi bon concevoir quand on sait qu’on sera copié ? À quoi bon concevoir quand on sait qu’on pourra copier ?
Elles ont été battues sur le terrain technologique
Seulement à long terme, privilégier la copie aux innovations engendre des difficultés. Si les utilisateurs ont demandé à Instagram de redevenir ce qu’Instagram était auparavant, c’est parce que l’app avait perdu de vue d’où elle venait. Elle avait oublié ce qui avait forgé son identité. Pourquoi les utilisateurs l’aimaient, l’utilisaient. Instagram a troqué l’expérience des utilisateurs et leur appréciation de la marque au profit de l’espoir de voir certains indicateurs quantitatifs augmenter. Et dans le cas présent, cela n’aura même pas fonctionné.
C’est aussi l’une des leçons à tirer de ces échecs récents : on a beau s’appeler Facebook, Instagram, YouTube, on n’est pas à l’abri de l’arrivée d’acteurs plus agiles, en mesure de développer très vite des algorithmes bien plus efficaces. Le flux For You de TikTok est impressionnant, tandis qu’Instagram expérimente encore avec ses posts suggérés. Meta a pourtant toutes les cartes en main, en tous cas toutes nos données, pour mettre en place des algorithmes optimisés…
Les plateformes devraient à nouveau assumer leurs différences
Pour dresser des barrières à l’entrée, les copies n’attirent plus. Elles ne permettent pas non plus de retenir ses utilisateurs. Les plateformes devraient retrouver le goût d’innover. Celui de la singularité, de la nouveauté, de la différence assumée face aux autres acteurs du marché. En gardant en tête ce qu’elles sont. En acceptant ce qu’elles ne sont pas. C’est ainsi qu’elles entretiendront le lien unique qui les unit à leurs utilisateurs et qu’elles pourront faire face à l’offre grandissante d’applications, cherchant à tout prix à capter notre si précieux temps d’attention.
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