Start-up : comment le service RH accompagne l’hypercroissance
Sarah Ben Allel, Head of People chez Qonto, fait écho à sa récente conférence sur la gestion RH de l’hypercroissance lors du Salon des Entrepreneurs à Paris, à l’occasion de cette interview.
Le modèle des start-ups suppose de générer une très forte croissance, mais cette dernière s’accompagne généralement de nombreux recrutements et d’équipes en perpétuelle évolution. Comment faire face à ces défis ? Comment faire en sorte que les RH soit moteur de la croissance ? Des premiers collaborateurs à la structuration des équipes et des process en passant par la gestion d’un recrutement de plus en plus conséquent, Sarah Ben Allel, Head of People chez Qonto, a répondu à nos questions sur le rôle du service RH dans cette hypercroissance. Cette interview fait suite à sa conférence lors du dernier Salon des Entrepreneurs à Paris, qui a accueilli près de 60 000 personnes, et dont le BDM est partenaire.
Dans quel contexte avez-vous travaillé sur des problématiques d’hypercroissance ?
Je suis arrivée juste après notre série A de 10 millions d’euros chez Qonto, en 2017. Nous étions 40. Nous avions alors la volonté et le besoin de nous développer rapidement. Mon rôle a été très axé sur le recrutement : en deux ans, nous sommes passés à 200 collaborateurs ! L’équipe RH a grandi en même temps que la croissance globale de Qonto, mon équipe est désormais composée de 13 personnes.
Avant de devoir gérer une croissance forte, il faut commencer par l’épineuse question des premiers recrutements…
Les cinq premiers recrutements sont très particuliers. Tout est à construire, il est important de choisir des personnes polyvalentes, qui vont pouvoir gérer différents sujets sans être cloisonnées à une expertise spécifique. Le fameux couteau suisse dont on parle beaucoup en start-up ! Il faut que les personnes soient fortement impliquées dans le projet, en leur proposant par exemple des BSPCE (Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise), ce qui leur permettra de profiter financièrement d’un éventuel succès de l’entreprise. Il faut que ces premiers collaborateurs soient prêts à vivre le changement, à avoir un titre qui évolue, une équipe qui grandit, un rattachement hiérarchique différent… Une start-up qui réussit se métamorphose parfois, se structure, s’adapte, voit sa culture d’entreprise changer. Il faut donc également être prêts à voir partir ces premiers recrutements, qui ont permis de lancer le projet avec succès, mais qui peuvent avoir envie d’autre chose, comme par exemple retrouver uns plus petite structure.
Est-ce que l’on pense tout de suite aux postes que pourraient prendre ces personnes par la suite ? Anticipe-t-on un éventuel rôle de management ou de périmètre de poste plus élargi ?
Je ne pense pas. On a tendance à penser à court-terme, au début, à capitaliser sur les compétences dont a besoin tout de suite, même si on souhaite choisir des gens qui ont une vision très globale, qui sont entrepreneurs dans l’âme, qui ont le potentiel d’apprendre de nouvelles choses. Ce potentiel est difficile à évaluer lors du recrutement, surtout au début d’une aventure entrepreneuriale, où l’émotionnel rentre beaucoup en compte. Le contact avec les premiers salariés est particulier, il se rapproche presque d’un rôle d’associé. Cette forte attache émotionnelle, cette capacité à croire ensemble au projet, on essaie de la conserver quand on grandit, mais à un degré très différent. Plus qu’un futur manager ou qu’un potentiel responsable de 40 personnes, on cherche dès le début d’une entreprise des personnes qui sont prêtes à accepter ce qu’il y a de mieux pour la société.
Comment fait-on pour arriver à structurer une entreprise qui voit son nombre de salariés se multiplier en peu de temps ? Comment réussir à garder un contact et une cohésion ?
La clé, c’est la communication. Il faut absolument être transparent avec les personnes qui vont avoir un impact, rappeler à tout le monde que nous sommes dans une évolution permanente, que les choses peuvent et vont bouger. Et il faut accepter que des gens partent s’ils ne sont pas d’accord avec cette évolution, ne pas être dans la fidélisation à tout prix. Cette sensibilisation en amont est primordiale, elle permet à tous de comprendre comment ils vont pouvoir prendre part au projet et à son évolution, mais aussi de les impliquer dans l’organisation. Il est également important de mettre en place les conditions qui permettront aux salariés de profiter professionnellement de la croissance. Vont-ils pouvoir se développer grâce à l’apport d’une expertise extérieure ? Grâce à la prise en main de nouveaux projets ? Grâce au management d’une équipe ? Les possibilités sont nombreuses.

A quelles compétences fait-on particulièrement attention lors du processus de recrutement dans des sociétés à forte croissance ?
On fait très attention à certaines « soft skills ». L’envie d’apprendre fait par exemple fortement partie de la culture de Qonto. L’amélioration continue également. Nous recherchons également une certaine forme d’humilité. Quelqu’un qui fait passer son ambition personnelle au premier plan ne correspondra pas au profil d’une entreprise à forte croissance.
Qui dit forte croissance dit besoin permanent de recruter de nouvelles personnes. Comment mettre en place les conditions de ce recrutement à grande échelle ?
Le recrutement peut en effet être un frein important au développement. Les projets peuvent prendre du retard car on manque de ressources. Cela créé une forte pression sur l’équipe recrutement ! Lors de mon arrivée, un de mes premiers rôles a été de structurer le process. Qu’est-ce que l’on a envie de faire vivre comme expérience de recrutement ? Notre parti pris a par exemple été de proposer une étude de cas quel que soit le métier concerné (RH, finance, produit…), afin de tester les compétences techniques. Également, de réaliser systématiquement des « fit interviews » que l’on pourrait assimiler à des « entretiens culture », mais aussi un entretien avec les fondateurs. Nous misons beaucoup sur l’expérience candidat. Quand on croit en une personne, on essaie de générer chez elle une forte envie de nous rejoindre, car nous sommes bien conscients que nous ne sommes pas les seuls sur le marché. Pour créer cette histoire d’amour, ce « love at first sight », il faut bien sûr rester authentique pour ne pas créer de déception lors de l’intégration.
En deuxième lieu, l’implication des managers est essentielle selon moi. Le recruteur va faire en sorte de leur faire gagner du temps, de comprendre au mieux le besoin des équipes opérationnelles, mais le manager intervient forcément dans le recrutement. Pour cela, il est nécessaire de les impliquer à différents niveaux du process..
Comment faire pour attirer les bons profils ?
Je pense que la stratégie n’est pas la même selon le niveau de développement de la start-up. Au départ, c’est la réputation de l’entreprise qui joue beaucoup et qui constitue la plus grande partie de l’image employeur. En effet, le principe de « cooptation » a été mis en place depuis le début chez Qonto : qui de mieux placé pour parler de notre produit, de notre univers que les équipes elles-mêmes ?
Puis viennent les grandes étapes business. Par exemple, à chaque levée de fonds, nous
générons des pics de candidatures. Mais ce qui est certain, c’est qu’avec la croissance, il est important de structurer notre image employeur : comment avons-nous envie d’être identifié en externe ? Et quels sont les leviers que nous pouvons activer (LinkedIn, Instagram, évènements externes, meet-ups, articles). C’est d’ailleurs un excellent moyen de valoriser les équipes en interne et de reconnaître tout le travail qu’elles fournissent.
Enfin, il faut garder en tête que les problématiques métiers sont très différentes et que nous essayons d’adapter notre contenu selon la cible métier.